Un projet avec de multiples dérogations est-il un mauvais projet ?

Partage

Vingt-et-un écarts pour une demande de permis déposée à Rixensart. Quinze à Wavre. Et d’autres partout ailleurs en Brabant wallon. Les demandeurs prennent-ils les règlements de haut ? Ou le nombre d’écarts et de dérogations n’est pas nécessairement lié à la qualité du projet ? On a tenté d’y voir plus clair.

Texte : Xavier Attout - Photo : Xavier Attout

Jean Mathieu

Architecte – CEO Montois Partners Architects

Quel est le sens pour un demandeur de déposer un projet avec 20 ou 30 écarts ?

Ce sont des chiffres assez élevés. La moyenne est davantage entre 5 et 10 écarts. Il faut surtout relever que, aujourd’hui, pratiquement plus aucun permis n’est octroyé sans écarts. Ce n’est pas lié à une volonté farouche de s’écarter des principes dictés, mais plutôt des documents d’urbanisme parfois inadaptés ou obsolètes. Même avec la meilleure volonté du monde, il est parfois impossible de ne pas déposer une demande de permis sans écarts. Par ailleurs, chaque écart doit être dument motivé.

Ce type de demande de permis est-elle plus régulière qu’avant ?

Non, il y en a même moins qu’avant. Obtenir un permis qui possède des écarts n’est pas impossible si ces derniers sont motivés. Par contre, la vraie crainte d’un demandeur est de voir un recours déposé par des riverains. Et dans ce cas, un projet qui multiplie les écarts sera plus sujet à voir son permis annulé car il peut être insuffisamment motivé. Beaucoup de développeurs sont donc prudents quant au nombre d’écarts à intégrer dans une demande de permis.

Vous avez des exemples ?

Oui, au Champ Sainte-Anne à Wavre. Les prescriptions urbanistiques de la Ville de Wavre sont relativement anciennes. Le service urbanisme de la Ville, qui était conscient du problème, ne voyait aucun inconvénient à ce que l’on dépose un permis avec une série d’écarts. Le demandeur, Matexi, souhaitait par contre déposer un permis avec le moins d’écarts possibles pour éviter tout recours. Ce qui mène alors parfois à des projets de moins grande qualité.

Un demandeur a-t-il nécessairement plus de chances de voir son projet accepté avec aucun écart ?

Oui. Vu que les écarts doivent être motivés. Il faut donc avouer que c’est plus simple sans écart. Le grand public associe souvent les dérogations et les écarts comme une faute. Mais leur grand nombre n’est pas nécessairement un argument sur lequel on peut s’appuyer pour s’opposer à un projet.

Joëlle Pirlot

Architecte communale – Commune de Waterloo

Un projet avec écarts est-il pour autant un mauvais projet ?

Non, il n’y a aucun lien entre les deux. Les écarts ne sont pas synonymes de mauvais projet. Des écarts peuvent aussi être liés à des documents d’urbanisme obsolètes, qui ne prennent pas en compte les nouvelles aspirations en matière d’habitat ou d’économies d’énergie. Le législateur a souhaité orienter la législation vers un urbanisme de projets, définir des grandes orientations de manière à simplifier les textes. L’important est donc d’étudier un dossier dans son contexte, de prendre en compte son environnement et de voir son intégration dans le paysage. Chaque cas est spécifique. Quand une demande est effectuée dans un clos qui possède une belle homogénéité architecturale, nous allons donc essayer de la maintenir au maximum.

Peut-on ressentir un manque de respect pour les principes d’urbanisme édictés dans les documents quand on fait face à ce type de demande ?

Certains peuvent le ressentir de cette manière. Mais c’est parfois simplement lié à une méconnaissance de l’architecte, qui ne s’est pas renseigné sur les prescriptions urbanistiques en vigueur. Le grand public associe souvent les dérogations et les écarts à des fautes dans le cadre d’un projet. Comment changer cela ? En expliquant et communiquant davantage. Il ne faut plus faire de raisonnement simpliste qui associe écarts et mauvais projet. La manière d’aménager nos communes évolue. Il faut donc surtout tenir compte du contexte pour que cela reste cohérent avec l’environnement.

Voyez-vous défiler régulièrement des demandes de permis qui multiplient les écarts ?

C’est une situation qui n’arrive pratiquement jamais à Waterloo. Nous n’avons pas de Règlement Communal d’Urbanisme. Une demande de permis avec des écarts est donc le plus souvent liée aux prescriptions urbanistiques que l’on retrouve dans chaque lotissement. Il est courant de recevoir une demande avec 2 ou 3 écarts, rarement plus.

Un demandeur a-t-il nécessairement plus de chances de voir son projet accepté s’il n’a aucun écart ?

En effet. Il recevra presque toujours son permis s’il n’y a pas d’écart. Pour le reste, s’il y a des écarts, tout dépend de la teneur des écarts et de la justification qui les accompagne. Certains demandeurs veulent les éviter à tout prix, d’autres sont prêts à prendre le risque car ils souhaitent réaliser un projet différent qui ne rentre pas dans le cadre défini par le lotissement. Ils sont donc prêts à patienter un peu plus longtemps.