Un dessin vaut mille mots

De son propre aveu, Marco Paulo manie le crayon plus aisément que les mots. Depuis cinq ans environ, ses illustrations s’invitent dans les pages d’Espace-vie et sur l’écran des Midis de l’urbanisme. Mais croyez-nous, ses mots en bulles font mouche, eux aussi !

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Texte : Caroline Dunski – Illustration : Marco Paulo

© Marco Paulo | Auto-portrait

Il suffit de parcourir son blog pour mesurer à quel point l’illustrateur ottintois est prolifique. Dans une bio un peu foutraque, il explique qu’il entame son parcours dans l’édition en 1996 (à l’aube de ses 30 ans), en illustrant un album pour la jeunesse, d’après un texte d’Henri Storck publié par les éditions Nemo/Le Seuil. « Chouette souvenir », confie-t-il laconique. En 2000, il illustre un premier album La Smala, de Thierry Robberecht. Suivront huit autres albums de cette série humoristique qui raconte le quotidien d’une famille. Marco Paulo crée aussi Mamillon et Papillon, une série animée destinée aux tout petits. Coproduite par la RTBF et le studio de production qu’il a fondé avec des amis, elle sera diffusée jusqu’en Asie. Viendront ensuite des collaborations avec des magazines BD comme L’Écho des savanes ou Spirou.

Dans nos contrées, Marco Paulo travaille également pour des institutions publiques, telles le SPF Santé, la Défense ou l’Institut belge pour la Sécurité routière (IBSR)…, pour le magazine Espace de Libertés, du Centre d’Action Laïque (CAL), et puis, bien sûr, pour la Maison de l’urbanisme du Brabant wallon !

1. La commande

Depuis cinq ans environ, à l’initiative de Xavier Attout, rédacteur en chef, Marco Paulo fournit un à trois dessins pour chaque numéro d’Espace-vie. Les sujets assez pointus qu’il y traite, comme ceux du mensuel du CAL, des Midis de l’urbanisme ou la synthèse des propositions nées dans le cadre des Arènes du territoire, nécessitent qu’il lise beaucoup, qu’il se documente. « Parfois, il y a des concepts complexes qu’il n’est pas facile d’illustrer. Comme celui de ‘santé circulaire’ qui comporte l’idée de sanctuariser la santé. Je suis un visuel, un peu handicapé avec les mots, je pense en images. Si on m’explique des choses, que les mots me font rire, je les vois en images. C’est presque un système de pensée automatique, les mots font un rebond dans ma tête. C’est un peu comme une boule de pâte à modeler qu’il faut manipuler. »

2. Dedans vs Dehors

Marco Paulo accepte volontiers ces missions parce qu’il adore sortir de chez lui autant que de travailler en équipe avec un scénariste. Il a aussi pris beaucoup de plaisir à participer aux Matches BD organisés par la Ligue d’Impro. Ce spectacle mêle illustrateurs et comédiens. « C’est super drôle à faire, ça fout les boules, mais c’est galvanisant. Parfois, il y a des interactions entre les acteurs et les dessinateurs. Par exemple, le comédien interprète un gynécologue qui réalise une échographie, tandis que l’illustrateur dessine ce qui apparaît sur l’écran de l’appareil… Il faut avoir l’esprit vif et le sens de la vanne. »

3. Et l’urbanisme ?

« Avant ça, l’urbanisme était pour moi le point de vue d’un utilisateur qui râle quand c’est moche et qui est content quand ça fonctionne, mais sans me poser plus de questions que ça. Maintenant, je suis plus nuancé et je vois bien que tout ça est plus complexe et subtil que ça. Et surtout qu’il y a plein de gens sincères, mais qui ont tous des intérêts différents. Que l’urbanisme est un bien commun et qu’il faut une vision sur le futur, un œil sur le présent et un regard sur le passé. »

4. La page blanche

Je suis un type qui prend du plaisir à essayer de vivre de son dessin… » écrit-il sur son blog. « Je m’intéresse à tout, mais suis spécialiste de rien. On me traitait de ‘bon à rien’, j’en ai fait quelque chose. » L’illustrateur avoue que son métier est assez angoissant parce qu’il ne peut pas compter sur des revenus fixes, « mais l’angoisse est un bon stimulant. N’avoir rien à faire oblige à réfléchir. Parfois, j’ai hâte de n’avoir rien à faire pour retrouver cette liberté de la page blanche. »

5. La satire… et l’amour

2010 sera l’année de sa rencontre avec l’éditeur 12 BIS, pour qui Marco Paulo dessine une série d’albums satiriques et politiques : Dégelée Royale, album de politique-fiction sur l’avenir de la Belgique, La guerre des étoilés, fiction critique sur le monde de la gastronomie française, Le pouvoir de convaincre, pamphlet satirique sur le monde de la justice en France et enfin Rachida, aux noms des pères. En 2014, il reste dans l’univers politique, en publiant chez Kennes éditions, l’enfance fantasmée de Bart De Wever, politicien flamand séparatiste, avec qui il hésiterait à partir en vacances. Ses enfants disent de lui qu’il aime critiquer. Lui avoue qu’il adore le non-sens. « L’absurdité de la vie me fait rire. La caricature, c’est le miroir grossissant qui montre les points noirs sur le pif. Mais en murissant, je fais en sorte que mon humour ne soit pas que satirique. Qu’il n’y ait pas que de l’aigreur, mais au contraire beaucoup d’affection. On a besoin d’amour bordel de merde ! »

Sortie récente : Au grand magasin, Kennes éditions, janvier 2021.