Recueillir les désirs de réappropriations

Recueillir les désirs de réappropriations
Sensibiliser et mobiliser les habitants autour des réflexions sur la réappropriation spatiale du Brabant wallon : c’est le fondement du projet « Désirs et formes d’habiter ». Celui-ci est né d’une collaboration entre l’Institut Culturel d’Architecture et la Maison de l’urbanisme autour des questions de la réhabilitation territoriale et de la rénovation du bâti.
Texte : Stéphanie Van Doosselaere et Aurélien Jacob (avec B. D et X .A) - Photo : ICA-WB
Sensibiliser et mobiliser les habitants autour des réflexions sur la réappropriation spatiale du Brabant wallon : c’est le fondement du projet « Désirs et formes d’habiter ». Celui-ci est né d’une collaboration entre l’Institut Culturel d’Architecture et la Maison de l’urbanisme autour des questions de la réhabilitation territoriale et de la rénovation du bâti.
Texte : Stéphanie Van Doosselaere et Aurélien Jacob (avec B. D et X .A) - Photo : ICA-WB
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Comment les plus de 65 ans envisagent de transformer leur villa quatre façades devenue trop grande ? Comment des adolescents imaginent réinvestir des parcelles abandonnées ? Deux questions parmi d’autres dont l’Institut Culturel d’Architecture Wallonie- Bruxelles (ICA-WB) et la Maison de l’urbanisme se sont emparés cet été. Et ce dans le cadre d’ateliers qui ont mobilisé la réflexion d’habitants autour de la question de la réappropriation spatiale du Brabant wallon. Une façon de sensibiliser sur cet enjeu grandissant en questionnant les ainés et les jeunes.
Dans ce cadre, durant quatre après-midis du mois de juin, un groupe d’une quinzaine d’ainés (de plus de 65 ans) s’est réuni à Court-SaintÉtienne pour évoquer ces enjeux en compagnie de Stéphanie Van Doosselaere (ICA) et Bénédicte Dawance (Maison de l’urbanisme). « Aujourd’hui, en Brabant wallon, on compte 73 centenaires », a-t-on entendu lors d’un des ateliers. « Dans moins de 50 ans, ils seront plus de mille !, ajoutait un autre participant. Les maisons de repos répondront-elles à l’attente des personnes âgées ? Selon mon expérience, lorsque l’on a vécu cinquante ans dans une maison quatre façades avec jardin, il est difficile de vivre dans une chambre avec vue sur les immeubles voisins et sans jardin. Que faire alors ? Et il est évident qu’il ne sera plus possible de permettre à chacun d’avoir sa maison et son jardin ! Tout comme il devient inaudible d’entendre dire « je fais ce que je veux ».
Quels habitats pour les plus de 65 ans ?
Ces ateliers ont été l’occasion pour les participants d’apprendre, d’échanger et de laisser libre cours à leur imagination. Les motivations pour y participer étaient variées : une maison devenue trop grande pour certains, les perspectives d’une vie en habitat groupé pour d’autres ou encore par simple curiosité. En revanche, tous partageaient l’envie d’en savoir plus sur les pratiques existantes et le cadre juridique, autant que celle de partager une réflexion et des expériences. Pour accompagner la réflexion, un site a été choisi pour sa localisation centrale et son potentiel de réhabilitation : une bâtisse imposante sur une ample parcelle, des maisons généreuses construites en lot de fond et un terrain vierge de plus de 10 ares.
L’occasion alors de lancer un grand exercice pour tous les participants. Le scénario de départ : six nouveaux ménages investissent la zone définie et tentent de répondre ensemble à deux questions. Un, quelles pistes de réhabilitation envisager pour densifier de manière qualitative cet espace proche du centre ? Deux, comment y accueillir un habitat désirable et adapté aux personnes de plus de 65 ans ?
Un exercice qui a permis de mettre en lumière les limites auxquelles sont confrontés les participants, que ce soit des démarches administratives, des freins budgétaires ou encore des contraintes urbanistiques… Mais aussi de soulever les opportunités en termes de diversité de logements et de vivre-ensemble. L’occasion aussi de comprendre les logiques de fonctionnement des différents acteurs rassemblés autour d’un projet et partager les défis de la réhabilitation des espaces avec le regard des ainés. Au fil des ateliers, une ébauche puis une proposition de projet s’est érigée sous forme d’une maquette.
Une série d’ateliers ont mobilisé la réflexion d’habitants autour de la question de la réappropriation spatiale du Brabant wallon.
Des ateliers urbex pour réfléchir
En parallèle à ces après-midis, alors que les ainés s’attelaient à modeler des formes heureuses de réappropriation d’un site, nous emmenions des adolescents dans les dédales d’un site en quête de réaffectation.
Pendant cinq jours, le stage intitulé « Urbex » invitait une dizaine de jeunes à appréhender l’ampleur du défi de la régénération du territoire. « Il semble fondamental que ces futurs adultes soient dès à présent en capacité d’agir sur leur environnement bâti et non-bâti, lance Aurélien Jacob (ICA-WB), l’un des deux animateurs avec Agnès Chevalier (Maison de l’urbanisme). Qu’ils puissent se l’approprier en découvrant les qualités ainsi que les enjeux de transformation de leur patrimoine bâti quotidien et de leur paysage. » Le déroulé de cet atelier, inscrit dans les pratiques pédagogiques de l’ICA-WB, donne la part belle à l’observation, suscite l’imaginaire et la discussion. Cinq jours pour ouvrir le regard des jeunes sur les défis de réhabilitation du territoire ; allant de la réappropriation de notre patrimoine bâti au soin à apporter à nos paysages, tout en rencontrant leurs cultures et leurs esthétiques.
Pour rappel, le terme « Urbex » est une contraction d’Urban Exploration. Il s’agit d’explorer l’existant, découvrir d’autres chemins de la ville – en particulier ses espaces cachés, s’aventurer dans les espaces abandonnés ou encore s’approprier les lieux par l’arpentage et la photographie. Le site délaissé des Bétons Lemaire à Céroux-Mousty a été le terrain de jeu de cette aventure. Une occupation temporaire y est déjà présente, dans l’attente d’un futur pour le site qui le reliera à terme au coeur d’Ottignies. Les ados ont aussi exploré le site des anciennes usines Henricot ou encore les rives de la Dyle, autant de sites à faire renaitre.
Ces différents parcours ont livré un matériel riche et varié : reportages photos, cartes mentales et dessins, herbier urbain, planches de BD et maquettes, présentées lors d’une petite exposition au Centre Culturel du Brabant Wallon. Autant de productions artistiques pour susciter le regard sur le bâti existant, sensibiliser à la nature présente, scénariser des réhabilitations ou encore questionner les besoins des habitants.
La réhabilitation au coeur des pratiques d’architecture
Mettons en écho ce que nous disent et nous révèlent ces échanges, entre recherches, souvenirs, rêves et projections d’habiter. Il en ressort des défis pour re-habiter le « déjà construit », développer de nouvelles formes d’habitat/d’habiter, souples et modulables, repenser notre rapport aux milieux et nourrir nos désirs de collectif. Autant de défis qui témoignent d’une urgence climatique, économique et écologique. Ces aventures collectives entrent en écho pour suggérer une démarche de développement régénératif qui convoque tant l’architecture que l’urbanisme et qui met au coeur de ces pratiques la réhabilitation.
Ces ateliers sont aussi une mise en abime des démarches architecturales et urbanistiques qui nous montrent notre capacité d’activer la transition spatiale, environnementale et sociétale.
Les contours de l’ICA-BW
Institut nomade, l’ICA-WB parcourt la Wallonie et Bruxelles pour créer des liens entre les différents territoires et pour rencontrer ses habitants. La sensibilisation à l’architecture contemporaine mise en place depuis quatre ans par l’Institut fait la part belle à la participation collective pour élaborer et partager des réflexions à travers des expositions, des conférences, des rencontres, des ateliers et des stages. Si l’architecture suscite encore trop souvent une forme d’indifférence, l’objectif est que chacun prenne conscience qu’il est acteur de son environnement (non-)bâti. L’ICA-WB souhaite accompagner cette prise de conscience et cette mise en dialogue, ainsi qu’amener à changer les regards, à déconstruire les préjugés sur l’architecture encore trop souvent nourris d’idées reçues, de démarches consuméristes et de catégorisations « en styles architecturaux ».
Pour aller plus loin
La vidéaste Camille Van Durme a donné vie à ce dialogue entre les ados et les aînés dans un court métrage sensible. Une façon de sensibiliser le grand public à ces questions. Accompagné d’une sélection de maquettes, de plans et de photomontages tirée des deux ateliers, il sera dévoilé lors de l’exposition « Ré-appropriations » qui se tiendra du 12 octobre au 26 novembre prochain aux Halles Universitaires. L’exposition tissera à son tour des liens entre « Désirs et formes d’habiter » et sept constructions issues de l’ouvrage « Architectures Wallonie-Bruxelles Inventaires #4 Inventories 2020-2023 – Vers une démarche architecturale régénérative. »
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