Quel potentiel cyclable pour l’est du Brabant wallon ?

Quel potentiel cyclable pour l’est du Brabant wallon ?
Le vélo électrique donne un nouveau souffle de la pratique du vélo en Brabant wallon. Si les infrastructures font encore défaut pour franchir un nouveau palier, la prise de conscience s’accélère. Les routes de l’emploi sont favorisées. Reste à voir si ce développement peut s’adapter à tous les territoires.
Texte et photo : Xavier Attout
Le vélo électrique donne un nouveau souffle de la pratique du vélo en Brabant wallon. Si les infrastructures font encore défaut pour franchir un nouveau palier, la prise de conscience s’accélère. Les routes de l’emploi sont favorisées. Reste à voir si ce développement peut s’adapter à tous les territoires.
Texte et photo : Xavier Attout
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Est-il possible de développer la pratique du vélo dans l’est du Brabant wallon, au cœur d’un paysage désarticulé entre villages ruraux et grandes chaussées de liaison? Un groupe de quatorze étudiants en bioingénieur de l’UCLouvain s’est penché sur le sujet via un travail effectué dans le cadre d’un cours de sociologie des territoires ruraux. Si cette enquête ne se base pas sur un échantillon très large, elle donne toutefois quelques indicateurs intéressants sur la manière de développer la pratique du vélo dans des territoires ruraux. Et des perspectives, surtout. « Diminuer l’utilisation de la voiture dans l’est du Brabant wallon est un objectif important pour contrer sa prédominance dans ce territoire et lutter contre la congestion automobile, précise l’une des étudiants dans la présentation vidéo de leur recherche. Dans ce cadre, deux solutions existent : développer un réseau de transports en commun ou développer la pratique du vélo. Voire les deux. En milieu rural, un milieu peu dense, renforcer les transports en commun n’est pas approprié. Le vélo est par contre plus adapté pour les petits trajets. C’est dans cette voie qu’il faut travailler. » Une précision pour resituer les enjeux à court et moyen-terme : le GAL (Groupe d’Action Locale) Culturalité en Hesbaye brabançonne estime que 11 000 voitures supplémentaires circuleront sur les routes de l’est du Brabant wallon d’ici 2035. Et ce alors que la pratique du vélo ne dépasse pas actuellement les 2 % des déplacements sur ce territoire.
La voiture prédominante
Pour donner du contenu à leur analyse, les étudiants de l’UCLouvain ont donc interrogé le personnel communal des entités de Jodoigne, Incourt, Orp-Jauche, Beauvechain, Perwez et Ramillies. Une cinquantaine de personnes ont répondu. Les trajets domicile-lieu de travail étaient au centre de l’étude. « C’est sur ce volet que le pouvoir d’action est le plus important car il s’agit de trajets réguliers et qui donc structurent les chaines de déplacements », relève un autre étudiant. Dans cette étude, on observe notamment que plus d’un tiers des déplacements font moins de cinq kilomètres et sont donc praticables à vélo. Un répondant sur deux travaillent dans sa commune de résidence. Deux éléments qui reflètent un certain potentiel. Or, 88 % des déplacements se font toujours en voiture. L’utilisation de la voiture se fait surtout dans les communes où le réseau routier est bien structuré (Jodoigne et Ramillies), contrairement à Beauvechain par exemple. Autre élément intéressant : parmi les employés engagés à temps plein, seuls 6 % pratiquent le vélo contre 25 % pour ceux employés à temps partiel.
Il est beaucoup plus difficile de faire cohabiter vélo et voiture à la campagne. Mais il y a des avantages tout de même : on y dispose de plus d’espace qu’en ville, ce qui permet de réaliser les aménagements adéquats pour favoriser la pratique du vélo.
Barbara Stinglhamber, chercheuse à la CPDT
Comment agir pour améliorer cette situation ? Deux éléments ressortent clairement : améliorer les infrastructures et sécuriser les déplacements. « Les distances trop élevées entre domicile et lieu de travail constituent la principale raison de la non-utilisation du vélo dans ce milieu, poursuivent les étudiants. Une solution à long terme serait de proposer un aménagement du territoire à échelle humaine. Avec un retour des services de proximité. » Le second obstacle est la vitesse élevée des automobilistes. Un travail tant sur les infrastructures cyclables que sur la vitesse des automobilistes est nécessaire pour y remédier. « La majorité de la population a le sentiment qu’il y a trop peu de pistes cyclables, c’est marquant, précisent les étudiants. Et qu’elles sont mal entretenues. » Et Barbara Stinglhamber, chercheuse à la Conférence Permanente du Développement Territorial (CPDT) d’ajouter : « Le problème, c’est que l’on ne peut pas quantifier objectivement le nombre de kilomètres de pistes cyclables. Aucun organisme ou outil ne permet de les recenser. » La Transincourtoise ou les RAVeL sont des pistes sécurisées et particulièrement appréciées des répondants à l’enquête. Reste que ces liaisons sont trop peu structurantes pour devenir réellement efficaces. « Réaliser une enquête auprès de la population pour cibler les tronçons ou les pistes cyclables qui sont manquantes ou peu sécurisantes serait réellement intéressant pour connaitre les besoins réels des usagers, précisent les étudiants. Cela permettait aux communes d’agir d’une manière concrète sans gaspiller leur budget. »
Une autre approche du vélo
Barbara Stinglhamber travaille actuellement sur une étude qui doit analyser les pistes de développement de la pratique du vélo en Wallonie. Elle a encadré avec Yves Hanin, directeur du Centre de recherches et d’études pour l’action territoriale (CREAT), le travail de ces étudiants. Et jette donc un regard éclairé sur la situation de l’est du Brabant wallon. « Il est beaucoup plus difficile de faire cohabiter vélo et voiture à la campagne, relève-t-elle. Mais il y a des avantages tout de même : on y dispose de plus d’espace qu’en ville, ce qui permet de réaliser les aménagements adéquats pour favoriser la pratique du vélo. En milieu rural, il s’agit d’une autre approche du vélo. Mais les territoires, tant ruraux qu’urbains, ont un réel potentiel. Du moins si on change l’image du vélo et si on le rend visible. J’en suis persuadée. D’autant plus avec le développement du vélo à assistance électrique qui permet d’augmenter les distances pour les modes doux. Au lieu des cinq kilomètres habituels, on peut désormais tendre vers les 20 kilomètres. Ce qui élargit considérablement le champ d’action. »
Une boite à outils pour les communes
Si se balader à vélo dans les rues des villages de l’est du Brabant wallon semble relativement aisé, la situation se complique dès que l’on quitte un village. « Ce sont sur ces points qu’il faut agir en priorité, fait remarquer Barbara Stinglhamber. Les voiries de liaison, comme la chaussée de Charleroi par exemple, ne sont pas du tout adaptées à la pratique du vélo et ne sont pas sécurisées. Ce ne serait pourtant pas très compliqué de tisser un véritable réseau de pistes cyclables pour rejoindre les différents centres des communes ou les lieux de travail. Un exemple : il serait intéressant d’analyser quelles entreprises pourraient se greffer au tracé du RAVeL qui passe par Ramillies. Et encourager leur implantation. »
Si le réseau des points-nœuds existe et peut faciliter les déplacements, Barbara Stinglhamber estime qu’on peut aller encore plus loin. « Dans trois ans, quand mon étude sera terminée, l’idée est de fournir une boite à outils à toutes les communes rurales qui envisagent de développer la pratique du vélo sur leur territoire. Pour chaque solution proposée, le cout sera précisé. Et ce sera à elles de choisir. »
AMELIORER LA QUALITE DU RESEAU CYCLABLE
Suite au diagnostic dressé par le Plan provincial de mobilité, la Province du Brabant wallon a décidé d’accentuer la mise en œuvre d’une politique cyclable à l’échelle du Brabant wallon. Elle se traduit par la mise en place d’un réseau cyclable balisé de points-nœuds (1 050 km) et par diverses études sur la pratique du vélo. L’octroi d’une prime permettant de financer en partie l’achat d’un vélo a été suspendu l’an dernier.
Pour améliorer le réseau cyclable, d’importants moyens sont déployés. 1,5 million d’euros a par exemple été budgété pour financer des travaux visant à renforcer les points-nœuds d’ici 2024. Et parmi les 20 km de réseau cyclable qui seront améliorés, on retrouve un certain nombre de projets qui concernent les communes de l’est du Brabant wallon. « Nous sommes en effet en train de multiplier les infrastructures pour favoriser l’utilisation du vélo dans l’est du Brabant wallon, précise Pierre Francis, directeur du service du Développement Territorial à la Province du Brabant wallon. Le potentiel est réel. Le seul frein, et nous l’avons relevé via nos analyses des flux de déplacements, c’est que les habitants de ces communes sont dépendants des emplois qui sont situés dans le centre du Brabant wallon. Ce qui n’encourage pas l’essor du vélo pour rejoindre son lieu de travail. Il faudra donc travailler sur ce volet. »
De multiples travaux
Parmi les chantiers qui sont au programme en 2021, on peut relever la réalisation d’une piste cyclable bidirectionnelle sur la N222 entre la rue de Piétrain et la rue de Tirlemont (Orp-Jauche), d’une piste cyclopiétonne bidirectionnelle sur la N29 entre le CEPES et la jonction avec le RAVeL (Jodoigne), de l’aménagement d’une chaussée à voie centrale banalisée sur la rue de Bonneffe (Orp-Jauche), d’aménagements spécifiques sur une section pavée entre les points-nœuds 52 et 54 (Jodoigne et Orp-Jauche).
Pour 2022, on retrouvera une nouvelle liaison entre Saint-Jean-Geest et le nouveau zoning (chemin n°12) à Jodoigne, un accès au RAVeL à Huppaye de même que l’amélioration du tronçon de la rue du Folly au Chemin n°7 à Jodoigne. D’autres travaux sont encore prévus d’ici 2024.
Rappelons que certains travaux ont été réalisés ces deux dernières années, dont l’éclairage du chemin des Rollaines à Hélécine, l’aménagement de la liaison entre Molenbais-Saint-Pierre et le RAVeL à Ramillies et Orp-Jauche de même que certains travaux de sécurisation de la liaison cyclable à Incourt, Chaumont-Gistoux, Jodoigne et Orp-Jauche.
Interview
« Le potentiel est indéniable »
Alice Renquet, chargée de mission au GAL Culturalité en Hesbaye brabançonne
Que pensez-vous de ce travail ?
C’est intéressant d’observer le regard d’étudiants sur le territoire de l’est du Brabant wallon. Nous leur avions présenté le fruit de notre travail sur les alternatives en matière de mobilité. Leurs conclusions viennent confirmer et objectiver nos ressentis.
Quel regard portez-vous sur la mobilité dans cette partie du Brabant wallon ?
La voiture est prédominante mais la pratique du vélo se développe. Il y a un potentiel indéniable, d’autant plus avec le développement du vélo électrique. Il reste un problème d’infrastructures alors qu’il faut faire évoluer les mentalités. La Province finance déjà de nombreux projets visant à améliorer les infrastructures. Pour notre part, nous travaillons à favoriser l’adhésion au vélo via une série de défis que nous lançons au personnel communal, à la population ou aux écoliers. Ces actions connaissent un certain succès.
Quels sont les atouts de ce territoire ?
Les RAVeL 147 (qui passe par Perwez à Orp-Jauche) et 142 (Jodoigne-Namur), de même que la Transincourtoise et la Transperwézienne, tous les quatre en site protégé. On a remarqué que de longues distances sont effectuées sur ces tronçons. Les choses changent. Vu le confinement et le développement du télétravail, il y a eu une prise de conscience. Le vélo a désormais sa place comme alternative.
Quels sont les freins ?
Sécuriser les pistes cyclables et avoir des parkings vélo sécurisés pour pouvoir y déposer son vélo électrique.
Optimiste pour l’avenir ?
Oui. Jodoigne, Ramillies et Perwez ont été reprises dans le programme Wallonie Cyclable. Cela évolue. Via les Plans communaux de Développement rural, Beauvechain, Incourt, Perwez et Hélécine ont reçu de nombreux financements. Les politiques suivent le mouvement, dans l’ensemble. Le réseau points-nœuds devient réellement structurant et est à renforcer.
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