
Quand des experts se plongent dans la lutte contre les inondations
Après l’étalement urbain, les inondations. Une deuxième version des Arènes du territoire s’est déroulée ces dernières semaines dans toute la Wallonie. Avec, en Brabant wallon, un arrêt à Ottignies. Une vingtaine d’experts s’y sont retrouvés pour formuler leurs pistes de solutions. Wavre était au centre des mises en situation.
Texte : Bénédicte Dawance - Dessins : Marco Paulo
Urbanistes, fonctionnaires (régionaux, provinciaux et communaux), architectes, ingénieurs, développeurs immobiliers, expert en communication ou encore élus politiques et membres de CCATM : un panel varié d’experts s’est retrouvé en décembre dernier à Ottignies le temps d’une matinée.
Le Brabant wallon n’a pas été épargné par les inondations ces dernières années. Réfléchir à la manière de mieux aménager le territoire, de l’adapter aux changements et de gérer les crises est essentielle. On le martèle, il faut agir tant au niveau de la prévention, de la protection, de la préparation que de la réparation post-crise.
Ainsi, en rassemblant un panel d’experts, l’idée générale de la Maison de l’urbanisme était de mettre en exergue les manières d’agir, collectivement et individuellement, pour lutter contre les inondations et adapter les pratiques en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme. Partant du postulat que les contours des causes des phénomènes liés aux inondations et leur compréhension à l’échelle locale sont aujourd’hui balisés, reste à trouver les moyens pour lever les obstacles qui empêchent d’agir. Et ils restent nombreux : Qui peut-on mobiliser ? comment dégager le financement ? Comment capter le foncier nécessaire aux aménagements ? Comment ajuster les pratiques de planification, de conception architecturale ?
Cette matinée de travail a pu s’appuyer sur les enjeux qui avaient été mis en évidence lors d’une table ronde co-organisée par le consortium de recherche transdisciplinaire Louvain4Water (UCLouvain) et notre Maison de l’urbanisme. C’était en février 2022.
Cinq problématiques ont constitué la base des réflexions : l’acquisition et la mise à disposition des informations liées aux inondations, la gouvernance, la mobilisation des ressources financières et foncières, les ressources humaines nécessaires et la gestion du temps et, enfin, le choix des solutions techniques probantes et la capacité de mise en oeuvre. Autant d’obstacles à surmonter pour ériger des solutions.
Les contours des causes des phénomènes liés aux inondations et leur compréhension à l’échelle locale sont aujourd’hui balisés, reste à trouver les moyens pour lever les obstacles qui empêchent d’agir.
Et des idées, il y en a eu. Au travers des différents cas d’étude qui ont servi de base aux discussions, solutions techniques, études à mener, ou encore manières de se concerter entre communes, sont autant de pistes qui ont pu être relevées. Avec, à chaque fois, le regard porté sur la réalité de terrain : foncier, procédures, résistance aux changements.
La planification sous la loupe
Parmi les réflexions, on retiendra tout d’abord la difficulté que constitue le plan de secteur qui a été conçu à une époque où le risque d’inondation était sous-estimé : un paradoxe, lorsqu’on veut à la fois renforcer les centralités et prendre en compte l’aléa d’inondation.
Toujours en matière de planification, si re-méandrer un cours d’eau, c’est-à-dire lui permettre de retrouver son cours naturel, semble être une solution intéressante, reste à voir comment y parvenir. Que faire là où l’urbanisation s’est installée en perturbant ce cheminement naturel ? Comment établir une vision globale des zones propices à la rétention des eaux et assurer la faisabilité d’une telle entreprise ? Ces questions invitent à adopter une proactivité foncière mais aussi à considérer, parmi les solutions, la nécessité de prendre en compte les risques d’inondation lors de l’élaboration du Schéma de développement communal ou pluri-communal. Ce dernier plaide en faveur d’une gestion intégrée de l’aléa d’inondation, mais se heurte à la difficulté d’élaboration et de décision.
Des supers fonctionnaires de l’eau
L’enjeu de la supracommunalité est incontournable. Ainsi a été esquissée l’idée de doter des communes d’un même bassin hydrographique d’un « super fonctionnaire » qui soit à la fois apte à éclairer sur les solutions d’aménagement, à assurer une transversalité et à être ensemblier pour mettre en oeuvre des projets à échelle cohérente. Une sorte de « supra-conseiller en aménagement du territoire de l’eau ». Une idée partagée par tous, mais en évitant de multiplier les intervenants et processus de décision, signe de complexité, voire d’inefficacité.
Dans le même ordre d’idées, les participants ont mentionné la panoplie d’outils et dispositifs existants: le plan P.LU.I.E.S, le Plan de Gestion des Risques d’Inondations, les recommandations du GISER (Gestion Intégrée Sol Erosion Ruissellement) ou encore les actions des Contrats de rivières. Mais tous ont insisté sur le manque de temps et de finance pour se les approprier, les utiliser et mettre en place des solutions. Porter à la connaissance et coordonner les outils existants plutôt que d’ajouter une couche supplémentaire est une posture à encourager.
Un débat s’est tenu quant à la stratégie la plus adéquate pour mettre en oeuvre des aménagements visant la gestion efficace des eaux pluviales. Ainsi deux thèses semblaient s’opposer entre ceux pour qui édifier une infrastructure majeure (de type grande zone de rétention des eaux) en amont des zones urbanisées serait la solution. La mobilisation foncière et financière plus aisée de même que la gestion centralisée de l’infrastructure plaide en faveur de ce type de solution. Pour d’autres, la thèse privilégiée est de considérer une constellation de solutions, menées tant par les pouvoirs publics que les privés, tant à une échelle de vallée ou de bassin qu’à l’échelle de la parcelle. Cette multiplicité permet d’augmenter la résilience du territoire dans un contexte où la récurrence des inondations et la vulnérabilité augmentent, mais induit une disparité des investissements et une gestion, un suivi et une évaluation particulièrement complexes.
Informations utiles lors des transactions
Les participants ont également pointé l’importance d’établir une information complète et circonstanciée des éléments constitutifs du risque d’inondation devrait être une obligation lors de telles transactions. Dans ce cadre le rôle des agents immobiliers et notaires est central
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