
Pourquoi tous les nouveaux quartiers se ressemblent
La plupart des nouveaux quartiers qui sortent de terre en Brabant wallon et ailleurs en Wallonie se ressemblent de plus en plus. Une standardisation des constructions qui est notamment liée à une architecture stéréotypée, aux exigences en matière de performances énergétiques, à l’évolution des modes de vie et à une hausse des couts de construction. Faut-il tout accepter pour autant ?
Texte et photos : Xavier Attout
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Il suffit de faire défiler les vues 3D d’une dizaine de projets de nouveaux quartiers ou d’ensembles d’appartements pour s’en rendre compte. Que ce soit à Waterloo, Nivelles, Braine-l’Alleud, Wavre ou Mont-Saint-Guibert, difficile de distinguer les différences et la réelle identité d’un projet au premier coup d’oeil. Le propos peut même être étendu à Liège, Namur, Gembloux ou encore Marcinelle, pour les quelques nouveaux quartiers qui sont en passe de sortir de terre. La standardisation de la promotion immobilière est devenue une norme en Brabant wallon et en Wallonie. Avec un combo classique : des immeubles à toitures plates, emballés sous un crépi blanc, équipés de châssis sombres et munis d’étroits balcons. Quand bien même un architecte parviendrait à tirer son épingle du jeu, les quelques différences architecturales qu’il apporterait à son
projet suffiraient rarement à masquer l’uniformité qui sied de plus en plus au paysage immobilier wallon. « Il est évident qu’il y a une certaine
lassitude à voir sortir de terre des immeubles cubiques avec un crépi blanc et des châssis gris », regrette l’architecte nivellois Jean-Marie Delsaut, à la tête du bureau DDV. Un constat qui est partagé par l’ancien fonctionnaire délégué du Brabant wallon, Christian Radelet : « L’image véhiculée par les nouveaux projets est souvent la même. Cela entraine clairement une perte d’identité pour le Brabant wallon. Il est regrettable qu’un développement situé à Court-Saint-Étienne, à Gembloux ou à Liège soit pratiquement similaire. Mais il faut également relever que les promotions immobilières ne concernent presque plus que des appartements, ce qui favorise l’émergence de cette uniformité. D’une manière générale, je pense que cette situation est davantage liée à un effet de mode qu’à une question de cout. »
Un constat qui n’est pas vraiment partagé du côté des architectes, comme en témoigne Jean-Marie Delsaut : « Cette uniformité est surtout
liée au fait que les promoteurs veulent dépenser le moins d’argent possible, histoire de maximiser leurs profits. Il est de plus en plus rare que des promoteurs dégagent des budgets importants pour développer une architecture différente, avec des matériaux de qualité. Sauf à quelques exceptions, comme le futur quartier de Val de Thines à Nivelles (ndlr : 263 logements dans la première phase), où le promoteur a interdit le recours au crépi, et ce au profit de la brique. »
L’image véhiculée par les nouveaux projets est souvent la même. Cela entraine clairement une perte d’identité pour le Brabant wallon. Il est regrettable qu’un développement situé à Court-Saint-Étienne, à Gembloux ou à Liège soit pratiquement similaire.
Christian Radelet, ancien fonctionnaire délégué du Brabant wallon
L’isolation pousse à la standardisation
Du côté des promoteurs justement, l’un des plus actifs en Brabant wallon et en Wallonie estime de son côté que cette situation est surtout liée à une évolution de l’architecture vers des formes plus urbaines et cubiques. Mais qu’il s’agit aussi de contraintes liées à l’efficience énergétique des bâtiments. « La tendance actuelle est de construire des bâtiments qui possèdent les plus hautes performances énergétiques, explique Joël Polus, directeur du développement chez Thomas & Piron Bâtiment. Ce qui entraine la construction d’immeubles compacts, dont la mise en oeuvre recommande l’utilisation de matériaux spécifiques. D’où le recours récurrent au crépi, qui est très léger, étanche à l’air et aisé à installer. » Une contrainte technique qui est confirmée par Aymé Argeles, responsable du département Environnement & Technologie à la Confédération Construction wallonne, qui a vu au fil du temps une certaine évolution dans l’utilisation des matériaux : « Les bâtiments qui sont construits aujourd’hui sont de plus en plus complexes. Surtout par rapport aux bâtiments érigés depuis l’après-guerre. Quant à savoir s’ils sont plus solides, c’est une autre histoire… » Et Jean-Marie Delsaut d’ajouter : « Auparavant, l’isolant n’avait qu’une épaisseur de 5 cm. Aujourd’hui, elle est de 25 à 30 cm. S’il faut mettre un parement en brique par-dessus, cela coute beaucoup plus cher. Ce qui se répercute directement sur le prix de vente. L’uniformité de la production est surtout liée à cet aspect-là. »
La concurrence a entrainé une flambée du prix des terrains. Il y a moins d’argent à consacrer à la construction des bâtiments. Par conséquent, certains promoteurs peuvent être tentés de recourir à des matériaux de moindre qualité.
Joël Polus, directeur du développement chez Thomas & Piron
La fiabilité des constructions
On le voit, les raisons de cette standardisation du bâti sont donc multiples. Et on peut même en rajouter d’autres. « Ce qui peut également expliquer cette situation, c’est qu’il y a de plus en plus d’acteurs qui sont présents sur le segment résidentiel, lance Joël Polus. La concurrence est bien plus importante qu’auparavant. Ce qui entraine une flambée du prix des terrains. Il y a donc moins d’argent à consacrer à la construction des bâtiments. Par conséquent, certains promoteurs peuvent être tentés de recourir à des matériaux de moindre qualité. Une situation qui ne s’applique bien évidemment pas dans le cas de développement de résidences de standing, car les prix de sortie sont élevés. » Un exemple : si le prix de vente d’un appartement peut par exemple avoisiner les 4.000 euros/m2 à Waterloo dans le cadre de certains projets, il peut redescendre à 2.700 euros/m2 à Nivelles. Il ne faut pas être un expert en immobilier pour comprendre que la marge de manoeuvre est bien différente d’un cas à l’autre.
Enfin, un autre élément de cette standardisation des constructions concerne les modes de construction. De nombreux observateurs relèvent que les constructions actuelles semblent moins fiables que ce qui était produit auparavant. « Les fondations en béton sont similaires, c’est aussi solide, tempère Jean-Marie Delsaut. Après, concernant l’enveloppe du bâtiment, le crépi ne semble pas être le parement le plus durable. À noter aussi une tendance de la « construction de l’immédiateté », qui vise avant tout à vendre un appartement en se souciant moins de la durabilité du bâtiment. » Il suffit d’ailleurs de se balader dans le quartier des Papeteries de Genval, construit en 2015, pour se rendre compte que le crépi installé sur la face nord de certains immeubles est déjà complètement verdâtre/brun. « Il existe toutefois aujourd’hui des crépis plus performants qu’auparavant, explique Joël Polus. Mais il ne faut pas oublier non plus que, contrairement à la brique, une façade cela s’entretient et se nettoie. »

RETROUVER LA DURABILITÉ DES BÂTIMENTS
Secteur pour le moins conservateur, la construction est en pleine mutation. Son avenir passera notamment par l’industrialisation et la préfabrication de ses modes de construction. L’essentiel du travail devrait se faire en effet à l’avenir en usine, en Belgique. Ce qui permettra de réduire le temps de construction de 20 %. Sans parler de la diminution des nuisances et des déchets sur les chantiers. « Nous tendons vers une standardisation des modes de construction, fait remarquer Aymé Argeles, responsable du département Environnement & Technologie à la Confédération Construction wallonne. Mais les perspectives de
développement en la matière sont encore énormes. La situation aux Pays-Bas est encore plus avancée car leur parc de logements est bien plus standardisé. Une situation qui est très intéressante pour la réutilisation des matériaux puisqu’ils sont souvent similaires. Le modèle d’économie circulaire y fonctionne bien davantage que chez nous. »
Un changement des mentalités doit donc encore être opéré. De manière à ne pas se retrouver dans la même situation qu’aujourd’hui où de nombreuses villas des années 70 et 80 sont déjà démolies, soit pour des questions énergétiques, soit pour des questions liées à la qualité du bâti. Ce qui est loin d’être un exemple en matière de durabilité.
Interview
« La révolution via
l’industrialisation »
Olivier Vandooren, directeur général du Centre scientifique et technique de la Construction.
Propos recueillis par X. A.
Les constructions actuelles sont-elles moins fiables qu’auparavant ?
Non, au contraire. La Belgique dispose d’un savoir-faire important en la matière. La qualité des constructions et notamment la technique d’isolation par l’extérieur y sont reconnues, de même que la compétence des entreprises.
Certains observateurs ont l’impression que les nouveaux immeubles à appartements sont moins durables qu’auparavant…
Peut-être que l’enveloppe extérieure du bâtiment peut donner cette impression. La finition de l’enduit sur isolant par rapport à un revêtement en brique semble de prime abord moins durable. Mais ce n’est plus le cas. Les techniques de construction ont fait de grands progrès. L’enduit sur isolant est une technique bien éprouvée qui continue à se développer. Il est possible aujourd’hui de remplacer l’enduit par le collage de briquettes ou de pierres naturelles. Cette technique permet d’atteindre des niveaux d’isolation très élevés, est également relativement abordable au niveau financier et économe en matériaux.
Comment voyez-vous les développements futurs du secteur de la construction ?
Il est au-devant de la quatrième révolution industrielle, ce qui va lui permettre d’entrer dans une certaine industrialisation. Si la Belgique veut multiplier par cinq le rythme de rénovation énergétique de son bâti, cela passera en partie par l’industrialisation.
Quel impact auront l’industrialisation et la préfabrication sur la qualité du bâti ?
Les perspectives sont en tout cas importantes. Un exemple : pour des maisons alignées, il est possible d’isoler toutes les maisons en un coup en y ajoutant une double peau extérieure. Outre l’isolation, il est possible d’y greffer des techniques particulières de chauffage ou de la connectivité. Et tout cela par l’extérieur. Il y a déjà eu plus de 4 000 chantiers de ce type aux Pays-Bas et quelques milliers en France. Nous sommes en train d’analyser comment initier cette technique en Wallonie.
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