Les sens et essences d’une forêt urbaine
La nature se perd de plus en plus sous les coups de boutoir de l’urbanisation. Pour y répondre, la végétalisation de la ville devient un vrai enjeu. Parmi les pistes avancées, la création de forêts urbaines se développe de plus en plus. Comme à Genval, Grez-Doiceau ou Mont-Saint-Guibert.
Texte : Xavier Attout Photo : Urban Forests
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Près de 300 trous creusés en deux heures. Et autant d’arbres et arbustes indigènes plantés dans la foulée. En cette froide matinée de décembre, une cinquantaine d’élèves de troisième maternelle de l’école de Maubroux à Genval avaient enfilé bottes et gants. Objectif : aménager dans le jardin qui borde l’entrée de leur école une véritable forêt urbaine. En suivant les préceptes de la start-up Urban Forests, ils pourront théoriquement apprécier le fruit de leur travail avant de quitter l’école primaire. « Nous sommes en effet spécialisés dans la création de forêt urbaine 100 % naturelle, explique l’architecte-paysagiste Dorian Malengreau, maitre d’ouvrage d’Urban Forests. On offre un service social et environnemental. L’idée est de créer des petits sanctuaires végétaux en milieu urbain. Partout où habituellement on ne retrouve plus ce genre d’espace. Et on y parvient en utilisant la méthode japonaise Miyawaki. Cela nous permet d’obtenir en dix ans ce qui pousse normalement en cent ans si on laissait ce terrain en friche. L’idée est de reproduire à grande vitesse ce que la nature n’arrive plus aujourd’hui à produire. Les arbres vont grandir d’un mètre par an. L’avantage est vraiment d’embellir le cadre de vie. » Et le directeur du Collège Saint-Augustin, dont dépend l’école de Maubroux, Etienne Balthazar, d’ajouter : « Outre les bienfaits environnementaux, cette démarche est également intéressante pour les 300 élèves que nous accueillons sur notre site de 2 hectares. Cela les sensibilise fortement aux enjeux écologiques. Et puis, cette petite forêt de 100 m2 va pouvoir former une zone tampon avec la voirie toute proche, en diminuant notamment les nuisances sonores. »
De plus en plus d’écoles du Brabant wallon sollicitent actuellement Urban Forests. Des particuliers et des entreprises également. Comme Alliance BW, le groupement d’entreprises de l’Axisparc (Mont-Saint-Guibert), dont 200 membres ont planté, fin novembre, 900 arbres et arbustes indigènes de quinze à trente espèces différentes, sur plus de 300 m2. Une seconde phase visant cette fois 900 m2 est prévue d’ici peu.

Grâce à la méthode japonaise Miyawaki, il est possible d’obtenir en dix ans ce qui pousse normalement en cent ans si on laissait ce terrain en friche.
Dorian Malengreau, maitre d’ouvrage d’Urban Forests.
Des forêts de 100 m2 à 3 000 m2
Si la superficie de chaque forêt peut sembler modeste – cela va de 100 m2 à 3 000 m2, il s’agit en fait d’un concentré de nature. Nicolas de Brabandère, biologiste et naturaliste installé à Erezée, qui a fondé Urban Forests en 2016, s’est en fait inspiré d’un botaniste japonais pour appréhender les contours de la méthode de culture Miyawaki avant de l’adapter ensuite au contexte européen. « Les premiers résultats sont saisissants, lance Dorian Malengreau. Cela pousse dix fois plus vite. On recrée un écosystème centenaire en quelques années. Le résultat est trente fois plus dense et comprend cent fois plus de biodiversité qu’une forêt classique. »
La méthode est en fait relativement simple : s’inspirer de la nature avant de la laisser s’émanciper naturellement. Un travail préalable est nécessaire pour étudier la composition du sol et déterminer la végétation naturelle qui serait la plus à même de s’installer sur le site étudié. Différentes espèces – uniquement des indigènes – sont alors sélectionnées avant d’être plantées d’une manière relativement dense (trois arbres ou arbustes par mètre carré). Certains arbres pourront atteindre trente mètres de haut. D’autres seront plus petits. De quoi reconstituer une forêt à étages.
Les avantages de planter une forêt urbaine
Quand on liste les différents avantages de mettre en place une forêt urbaine, ils sont plutôt nombreux. Que ce soit le fait de lutter contre le réchauffement climatique, de rafraichir l’air ambiant de 2 à 8°C, d’améliorer la qualité de l’air, de réduire la concentration en particules fines de 20 à 50 % ou encore d’avoir un impact positif sur la santé des citadins.
Ces aspects positifs se propagent également sur d’autres éléments tels que la hausse du taux de défenses immunitaires, le renforcement de la biodiversité, la création de corridors biologiques et plantation dense d’essences variées, la réduction des nuisances sonores et visuelles ou encore la création de barrières végétales isolant du bruit et masquant des zones peu esthétiques.
Une appropriation de l’espace
À Genval, on y retrouve 25 espèces indigènes dont des hêtres, des chênes, des cornouillers, des sureaux, des sorbiers, des ormes champêtres, des aubépines, des charmes ou encore des noisetiers. « Nous nous sommes rendu compte qu’en étant plantées ensemble, ces espèces fonctionnent et se développent mieux », explique Nicolas de Brabandère. Le (léger) travail de préparation du terrain est effectué par Urban Forests, ce qui permet de faciliter la croissance du système racinaire. C’est également l’entreprise qui achète l’humus (composé de paille, de broyat de feuilles mortes ou de fumier) et fournit le petit matériel. Elle se chargera de l’entretien nécessaire pendant les deux premières années avant que la forêt grandisse de manière autonome. « Ce qui est surtout positif, c’est le fait que cette démarche implique les enfants, les entreprises ou la population locale, se réjouit Dorian Malengreau. Ils s’approprient le projet. Et ceux qui y ont participé reviendront sûrement voir comment cette forêt grandit. »
La mise en place d’une forêt urbaine coûte en moyenne entre 3.000 et 4.000 euros. Avec la possibilité, comme c’est le cas pour cette école de Genval, de voir un mécène (un chocolatier bio dans ce cas-ci) financer l’opération.
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