Les enjeux économiques de la rareté du foncier

Les enjeux économiques de la rareté du foncier
Jamais in BW n’avait vendu autant de terrains dédiés à de l’activité économique qu’en 2021. Un emballement des entreprises avant une pénurie de foncier attendue dans les prochaines années. Pour répondre à la demande, il faudra à l’avenir être particulièrement inventif.
Texte : Xavier Attout - Photo : in BW
Jamais in BW n’avait vendu autant de terrains dédiés à de l’activité économique qu’en 2021. Un emballement des entreprises avant une pénurie de foncier attendue dans les prochaines années. Pour répondre à la demande, il faudra à l’avenir être particulièrement inventif.
Texte : Xavier Attout - Photo : in BW
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Le constat n’est pas neuf mais s’est encore renforcé ces derniers mois. Le Brabant wallon fait plus que jamais office de poumon économique de la Wallonie. Les derniers chiffres le démontrent. Et le succès à l’international de certaines entreprises brabançonnes en est d’ailleurs la meilleure carte de visite. Autre preuve ? Jamais in BW, l’Intercommunale du Brabant wallon qui est notamment en charge du développement économique de la province, n’avait vendu autant de terrains dédiés à de l’activité économique qu’en 2021. Avec 19 hectares, elle est bien loin de la moyenne annuelle (8 hectares) de ces dernières années. « Cette année exceptionnelle s’explique surtout par le manque de terrains qui se profile à l’avenir, s’inquiète Baudouin le Hardÿ de Beaulieu, le directeur général d’in BW. Actuellement, les entreprises se pressent pour acheter un espace pour construire leur entreprise, de peur de ne plus rien pouvoir trouver. Même si l’axe Bruxelles-Namur est privilégié, ce sont surtout nos parcs de Nivelles et de Tubize qui ont connu un certain succès vu le déficit de terrains sur l’axe E411. Pour les entreprises qui souhaitent rester sur cet axe, elles doivent désormais aller au-delà de Gembloux pour trouver leur bonheur. C’est un vrai problème. »
Cette raréfaction du foncier a bien évidemment un impact sur les prix puisqu’ils sont poussés vers le haut, passant en cinq ans de 40 à 70 euros/m2 . Soit une hausse considérable de 75%. « Avec même une augmentation des prix de 15 % rien que l’an dernier, précise Baudouin le Hardÿ de Beaulieu. Étonnamment, ce facteur n’a absolument pas freiné l’appétit des entreprises désireuses de s’installer en Brabant wallon car le cout de construction du bâtiment reste bien plus élevé que le foncier. Le prix de nos terrains est, de plus, encore très attractif par rapport à d’autres acteurs privés qui sont actifs sur ce segment. »
Ajoutons que la norme de 25 emplois/hectare reste d’actualité, ce qui élimine par exemple de facto toutes les entreprises de logistique. Le manque de terrains de grande taille élimine également d’autres pans économiques, tels que les data centers ou des acteurs du domaine énergétique. Le profil des entreprises reste donc majoritairement des PME, attirées à l’idée de s’installer dans la deuxième région d’Europe qui compte le plus de diplômés.
Un pipeline rempli pour encore quinze ans
Les parcs d’activités économiques s’étendent aujourd’hui sur plus de 1 000 hectares en Brabant wallon, dont 80 % sont gérés par in BW, le solde l’étant par des acteurs privés. Et tous sont confrontés à une pénurie de terrains. « Nous pourrons répondre à la demande pendant encore une quinzaine d’années, regrette le directeur général d’in BW. Après, ce sera terminé. Pour notre part, nous disposons encore de 70 ha actuellement disponibles. S’y ajouteront des prochaines acquisitions. Nous restons à l’affût de la moindre possibilité, que ce soit des anciens sites industriels, des immeubles ou d’autres types de sites. Reste qu’il est peu probable que les terrains sur lesquels nous mettrons la main soient situés dans le centre du Brabant wallon, vu le déficit d’offre. Or, c’est principalement autour de Louvain-la-Neuve que la demande est fort présente. Ce manque de terrain dédié à l’activité économique est un vrai problème. Seules des actions de compensations planologiques peuvent permettre d’obtenir de nouvelles parcelles. Mais la plupart des communes n’en veulent pas si cela concerne un parc hors de leur propre territoire. Cette raréfaction des terrains économiques s’inscrit dans un contexte plus large de disparition des terrains industriels dans les centres urbains, comme on l’a vu par exemple à Genval, Court-Saint-Étienne ou Genappe. Ces reconversions en résidentiel ont du sens en termes d’aménagement du territoire mais elles ne font pas nos affaires. »
Ne pas mêler logements et activités économiques
Contrairement à ce que certains pourraient croire, l’activité économique n’occupe que 3 % du territoire du Brabant wallon pour près de 50 % dédiés à de l’activité agricole et 15 % à destination résidentielle. Reste que la province arrive à la fin d’un modèle qui a contribué à sa croissance. L’équipement de terrains vierges (gaz, électricité, voirie, etc.) avant d’ensuite revendre les parcelles à la découpe (sous la forme juridique de la copropriété) a connu un important succès pendant plus de trente ans. Il va désormais falloir se réinventer. « Ce n’est pas un problème, précise Valérie Kessen, directrice du département économique d’in BW. Car l’objectif est tout d’abord de mieux exploiter les projets que nous mettons en œuvre. L’ancien site Peugeot (11 ha) à Nivelles que nous avons racheté va par exemple connaitre une densification plus importante que ce qui est habituellement déployé. C’est dans cette voie qu’il faut agir. »
L’avenir des parcs d’activités passera en tout cas par des sites plus réfléchis, où l’on favorise la mobilité douce, mutualise les moyens de production d’électricité ou de chaleur (smart grids), et où la smart city fait son apparition (éclairage intelligent par exemple). Une version 2.0 des parcs d’activités économiques où une place importante est également réservée à la biodiversité. Par contre, si certains avancent que l’avenir de ces parcs passe par une mixité des fonctions, ce n’est pas l’avis de Baudouin le Hardÿ de Beaulieu. « Je n’y crois pas, tranche-t-il. Cela aurait peu de sens de mettre du logement dans nos parcs d’activités. Ce que l’on fait à Bruxelles (ndlr : notamment via citydev.brussels) ne peut être réalisé chez nous. Nous manquons déjà suffisamment de terrains pour les affecter à d’autres fonctions. Implanter du résidentiel signifierait qu’il faudrait y ajouter d’autres services tels que des salles de sport ou de l’horeca. Or, nous manquons déjà de terrains. La mixité concerne davantage les retail parks qui, eux aussi, vont connaitre de profondes mutations à l’avenir. Il ne faut donc pas tout mélanger. Il n’est pas nécessaire de révolutionner un modèle qui a fait ses preuves et dans lequel in BW prouve toute son expertise.”
« Seules des actions d’échanges planologiques peuvent permettre d’obtenir de nouvelles parcelles. Mais la plupart des communes n’en veulent pas. » Baudouin le Hardÿ de Beaulieu, directeur in BW
La problématique des recyparcs
in BW gère dix-sept recyparcs. Pour couvrir l’entièreté du Brabant wallon, trois parcs supplémentaires devraient être implantés. « Mais il est de plus en plus difficile de trouver une implantation qui satisfait communes et riverains », regrette Baudouin le Hardy. Idéalement, il faudrait donc un parc pour 20 000 habitants. Dans le même temps, les parcs de Rixensart, Nivelles, Braine-le-Comte et Genappe doivent déménager pour être agrandis. Ce qui n’est pas une sinécure. 90.000 tonnes de déchets sont apportées chaque année dans ces recyparcs.
800 hectares pour 9 parcs
in BW dispose de neufs parc d’activités économiques : Hélécine (Parc de Hélécine), Jodoigne (Parc de Jodoigne), Nivelles (Parc de Nivelles-Nord « les Portes de l’Europe »), Nivelles (Parc de Nivelles-Sud), Perwez (Parc de Perwez), Tubize (Parc de Saintes), Tubize II (Parc d’activité économique Tubize II), Vallée du Hain (Parc de la vallée du Hain) et Wavre (Parc de Wavre-nord). Elle est également co-gestionnaire avec l’UCLouvain du parc scientifique de LLN.
Pour l’heure, 70 ha sont encore disponibles : à Nivelles Nord, Nivelles Sud, au Parc scientifique de Louvain-la-Neuve, à Hélécine et à Tubize II. Des projets d’extension pour plus de 100 ha supplémentaires sont en cours. Ajoutons qu’in BW investit également dans des bâtiments existants qu’elle rénove et remet sur le marché locatif.
Un nouveau capitaine en septembre
Après huit années à la tête de l’IBW et quatre d’in BW (suite à la fusion avec l’intercommunale des eaux), Baudouin le Hardÿ de Beaulieu (66 ans en mai prochain) partira à la pension en septembre. Comme ce fut le cas en 2010 et pour tous les postes de direction depuis lors, un chasseur de têtes est chargé de trouver la perle rare.
Interview
Interview
“De nouvelles idées pour réattirer les sociétés”
Henri Fishgrund, fondateur des parcs d’affaires Axis Parc et Nivaxis
Quel regard portez-vous sur le développement économique et territorial du Brabant wallon suite à la pandémie ?
L’intérêt des sociétés pour venir s’installer dans nos deux parcs d’affaires à Nivelles et Mont-Saint-Guibert reste indéniable. Nous avons bien évidemment subit de plein fouet la crise du Covid. Notre taux de remplissage était de 99 % avant la pandémie pour retomber à 80 % l’an dernier. Depuis lors, nous remontons doucement la pente. Nous sommes à un niveau de location de 83 %.
Cette situation vous pousse-t-elle à vous réinventer ?
En effet. Nous allons créer un pôle « Science de la vie » où l’objectif sera d’attirer de nombreuses sociétés qui travaillent dans le domaine biomédicale. Elles représentent 22 % de nos locataires actuellement. L’objectif est de doubler ce chiffre. Pour les attirer, des loyers gratuits et un soutien financier pour financer des laboratoires sont au programme.
Avez-vous des craintes par rapport à la rareté du foncier ?
Pas pour le moment. Nous disposons encore de nombreux terrains disponibles. Notre métier est différent d’in BW puisque nous construisons des bâtiments que nous louons ensuite. A Mont-Saint-Guibert, il reste encore un terrain le long de la N25 (à côté du garage automobile) pour construire un immeuble de 12 000 m2. La demande de permis sera lancée d’ici peu. A Nivelles, la construction d’un immeuble de 4 000 m2 est en cours et un second immeuble de la même taille est prévu dans la foulée.
Comment se dessinera le parc d’activités économiques de demain ?
Pour notre part, il sera dans la lignée de ce que nous avons créé ces dernières années. Soit avec une multitudes de services, un grand intérêt pour l’environnement et la biodiversité de même qu’une attention à la connectique.
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