« La réalité flamande pas la réalité wallonne »
Après avoir lancé l’idée d’un Stop Béton en 2015, la Flandre garde toujours une longueur d’avance sur la Wallonie. Le gouvernement vient de valider le décret permettant l’arrêt de l’artificialisation des terres en 2040. Reste que ce Bouwshift (nouveau nom), dont les grands principes de mise en oeuvre seront dévoilés cet été, fait réagir. Interview avec le ministre wallon de l’Aménagement du territoire.
Propos recueillis par X. A.
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Willy Borsus, la Wallonie doit-elle s’inspirer de cette décision du Gouvernement flamand ?
À chaque contexte ses contraintes et ses solutions spécifiques. La réalité flamande n’est pas la réalité wallonne. En 2015, la Flandre a consommé 22 km²/an. En Wallonie, c’était 12,7 km2/an en 2015 et 11,3 km2/an de 2015 à 2017. Mais je reste bien entendu très attentif aux mesures prises ailleurs. Je note par ailleurs que l’objectif du décret flamand est d’inciter de nombreuses communes à renforcer leurs centres névralgiques plutôt que de bâtir sur les terrains de réserve. C’est in fine ce vers quoi nous nous efforcerons de tendre en Wallonie en renforçant les centralités urbaines et rurales et en y concentrant l’essentiel de l’urbanisation.
Où en est-on dans ce dossier ?
Un groupe d’experts a débuté son travail le 20 février 2020. Il a notamment déterminé la superficie artificialisable afin d’atteindre les objectifs aux horizons 2025 et 2050 de même qu’une méthodologie de mesure de l’étalement urbain. Le rapport final vient de m’être adressé. Il livre une analyse des outils existants dans le CoDT en mettant l’accent sur leur aptitude à assurer la rencontre des objectifs fixés. Il met également en évidence la nécessité de fixer des balises ou trajectoires au niveau régional et de les décliner au niveau supra-communal et/ou communal. Le Gouvernement n’a pas encore pris d’orientation au départ des résultats de ce document assez conséquent.
Le financement de l’indemnisation des propriétaires lésés reste un écueil important. Il est annoncé comme infinançable en Flandre. Quel sera le modèle appliqué en Wallonie ?
Actualiser les plans de secteur est une piste. Mais je dirais toutefois qu’il est peu vraisemblable que le Gouvernement s’oriente dans une solution unique.
Sur quels critères déterminer la valeur des terrains ?
Je suis convaincu que, sur le long terme, il serait sans doute intéressant de doter notre Région d’un véhicule foncier qui ne laisse pas les communes seules face à cet enjeu. L’analyse démontre, en effet, que l’importance des disponibilités foncières est un élément déterminant dans la capacité des territoires à réduire leur artificialisation. L’attrait de la quatre façades ne semble pas faiblir selon les derniers chiffres.
Comment parvenir à faire accepter aux Wallons ces mesures et à faire évoluer leur état d’esprit ?
Ni le Gouvernement ni les documents qui encadrent aujourd’hui l’aménagement de notre territoire en Wallonie ne poursuivent l’objectif de restreindre la liberté des ménages wallons quant à la forme de leur choix d’habitat. Mais les modes d’habitat ont évolué au cours des dernières décennies, de même que la composition des ménages. La part des logements produits en immeubles à appartements est passée de 29 % pour la période 2001-2005 à près de 70 % pour l’année 2018. L’autopromotion, et à travers elle, la construction de maisons quatre façades, s’étiole donc progressivement. Le Betonstop a laissé sa place au Bouwshift en Flandre.
Vers quelle dénomination allons-nous en Wallonie ?
L’appellation « stop béton » ne me convient pas en ce qu’elle est avant tout négative. Elle est absolument inappropriée.
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