La dynamique commerciale, facteur X des centres urbains

La dynamique commerciale, facteur X des centres urbains
La mise en place de centres attractifs reste au coeur de la stratégie wallonne d’aménagement du territoire. Une manière de freiner l’étalement urbain. Dans ce cadre, la place du commerce et de services de proximité reste incontournable. Avec, comme on le voit en Brabant wallon, une nette évolution de la dynamique commerciale.
Texte : Xavier Attout - Photo : Xavier Attout
La mise en place de centres attractifs reste au coeur de la stratégie wallonne d’aménagement du territoire. Une manière de freiner l’étalement urbain. Dans ce cadre, la place du commerce et de services de proximité reste incontournable. Avec, comme on le voit en Brabant wallon, une nette évolution de la dynamique commerciale.
Texte : Xavier Attout - Photo : Xavier Attout
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L’orientation n’est pas neuve. Concentrer davantage l’habitat et les services dans les centres urbains ou villageois figurent depuis de longues années dans les manuels d’aménagement du territoire. Avec des succès divers.
Histoire de donner un coup de fouet supplémentaire, la nouvelle version du Code du Développement territorial (CoDT) – adoptée en première lecture par le Gouvernement wallon – devrait encourager encore davantage cette concentration des activités au détriment de l’étalement urbain. « Le texte met en place le concept de centralités comme clef de voute d’une nouvelle politique d’aménagement du territoire qui oriente les projets préférentiellement vers les lieux les mieux équipés, relève Willy Borsus, ministre de l’Aménagement du territoire. Ces centralités urbaines et rurales seront définies par les villes et communes dans le cadre de leurs schémas de développement communaux ou pluri-communaux éventuellement spécifiquement dédiés à l’optimisation spatiale. Un délai de cinq ans est prévu au bénéfice des villes et communes pour ce faire. »
Freiner l’évasion commerciale et l’étalement urbain
Un laps de temps qui pourrait toutefois encore accentuer le problème dans certaines communes. Car l’étalement urbain a fait des dégâts en Wallonie, qu’il faut désormais tenter de rattraper. Il a tout d’abord bien évidemment freiné l’attractivité des centres-villes, tout en contribuant, par ricochet, à l’évasion commerciale. Redynamiser ces centres ne sera donc pas une mince affaire mais sera inévitable pour atteindre les objectifs souhaités. Car y ramener des habitants, quelle que soit leur taille, ne se concrétisera pas sans l’aménagement de centres attractifs, apaisés et durables. « Je pense qu’une commune, quelle que soit sa taille, ne peut pas se passer d’une offre commerciale dynamique pour retrouver une certaine attractivité, explique François Honoré, fondateur et CEO de The Third Company, une agence de conseils qui accompagne les opérateurs publics et privés qui souhaitent développer des projets et territoires « écolonomes ». La vitalité commerciale d’une commune est un enjeu majeur et central. Je reste convaincu que le commerce ne doit pas disparaitre, et ce malgré les difficultés apparues ces dernières années dans bon nombre de villes wallonnes. Je suis même un fervent défenseur du commerce de proximité. Un rebond est d’ailleurs apparu depuis le Covid. D’autant plus qu’il a également une fonction sociale, vu qu’il permet de rassembler les gens et de créer du contact humain. Ce qui n’est pas à négliger. »
Les avantages de la mixité fonctionnelle sont multiples. Elle permet d’enrayer l’étalement urbain et de réduire ou de raccourcir les déplacements. Un mix d’activités et de fonctions créent aussi plus de mixité sociale.
François Honoré, CEO The Third Company
Rebondir via les projets mixtes
Si on regarde les traditionnels chiffres de l’Association du Management de Centre-ville (AMCV) qui relève le nombre de cellules commerciales vides dans les principaux centres-villes wallons, Waterloo et Louvain-la-Neuve restent toujours les principales locomotives commerciales de Wallonie. Nivelles, Jodoigne et Wavre sont un cran derrière. Peu de communes du Brabant wallon possèdent en fait un centre-ville en grande difficulté. « C’est bien évidemment lié au pouvoir d’achat, précise François Honoré. La Hulpe est un exemple intéressant à ce titre. D’accord, le pouvoir d’achat y est élevé. Mais pour une petite entité de 7 000 habitants, elle possède de nombreux commerces de proximité. Ce qui n’est pas donné à toutes les communes. L’important est donc de bien adapter son équipement commercial à son environnement. C’est un gage de réussite. » En théorie, le rebond des centres-villes passera donc par un alignement d’une série de facteurs. Donner envie d’y habiter est un premier élément. Proposer une offre commerciale diversifiée en est un second. Et à ce titre, les choses sont en train de changer en Wallonie. On le sait, les projets de nouveaux centres commerciaux ou de retail parks vont devenir extrêmement rares. Une évolution sociétale. L’apparition de projets mixtes, mêlant les fonctions (logement, loisirs, bureau, commerce) étant dorénavant largement encouragée. « Le nombre de mètres carrés commerciaux arrive clairement à saturation, relève François Honoré. Il va même diminuer. » La tendance sera donc davantage à la rénovation et à la reconfiguration des espaces commerciaux existants situés en dehors des villes qu’à une nouvelle expansion commerciale. D’autant que les pouvoirs publics freinent les ambitions des développeurs immobiliers au profit des centres urbains. Seuls les commerces qui ne peuvent y être implantés de par leur taille ou leur offre spécifique devront trouver refuge en périphérie. « Il y a également un vrai travail de recomposition commerciale à effectuer dans certaines villes, remarque François Honoré. L’offre est parfois dispersée dans plusieurs rues avec, dans certaines situations, de nombreuses cellules commerciales vides. Dans ces cas-là, il est opportun de recentrer l’offre dans l’une ou l’autre rue principale de manière à proposer un axe fort. » Une stratégie qui doit bien évidemment être accompagnée d’une politique volontariste des autorités politiques. « Je pense qu’élaborer un Schéma communal de développement commercial (ndlr : un outil toutefois voué à disparaitre avec la réforme du CoDT) est une option très intéressante. Gembloux et Ciney viennent d’y avoir recours. Wavre y travaille. Faire appel à du marketing territorial peut aussi être une piste à suivre. »
Il y a un vrai travail de recomposition commerciale à effectuer dans certaines villes. L’offre est parfois dispersée dans plusieurs rues. Dans ces cas-là, il est opportun de recentrer l’offre pour proposer un axe fort.
François Honoré
La ville du quart d’heure
Tous les discours convergent en tout cas pour le moment vers la mixité fonctionnelle des nouveaux projets ou des nouveaux quartiers. Une planche de salut qui semble évidente aujourd’hui. « Ses avantages sont multiples. Elle permet d’enrayer l’étalement urbain et de réduire ou de raccourcir les déplacements, lance François Honoré. Un mix d’activités et de fonctions crée aussi par de la mixité sociale. Ce sont des atouts indéniables. Et le commerce a sa place dans cette offre. » Cette mixité traduit en fait les principes de la ville du quart d’heure. Des principes applicables en Brabant wallon puisqu’il est possible de marcher 15 minutes depuis un centreville brabançon et d’y retrouver tous les services. Ce concept pourrait même être décliné dans une nouvelle démarche de « ville à 5 minutes ». Il incite en tout cas à retrouver de l’activité productive au coeur des villes ou villages voire à développer des tiers-lieux, des espaces qui permettent de retisser des liens entre un territoire et des fonctions professionnelles et sociales. En Brabant wallon, ce concept se traduit notamment déjà à travers les New places of working, portés par la Province. « Je crois beaucoup dans ces concepts, lance François Honoré. Les noyaux urbains ne se redynamiseront que si toutes les fonctions sont mêlées. Si le privé fait son travail, reste au pouvoir public à rendre les centres urbains plus attractifs en matière de qualité de vie… »
De 130 000 m2 à 36 000 m2 de centres commerciaux en Brabant wallon
Il y a un peu moins de dix ans, Espace-vie dressait l’inventaire des projets de centres commerciaux et retail parks prévus dans les prochaines années en Brabant wallon. Près de 130 000 m2 répartis dans huit communes étaient recensés parmi les plus importants dossiers. On relevait des projets à Louvain-la-Neuve (extension Esplanade via Klepierre), Wavre (Promenade via Matexi et retail park de Ghelmaco), Waterloo (Coeur de ville via Wereldhave), Genval (Papeteries via Equilis), Court-Saint-Étienne (Court- Village via Equilis), Braine-l’Alleud (gare, pas de promoteur), Tubize (Outlet Mall via DCI Monaco) et Nivelles (retail park).
Au final, seuls trois projets sont sortis de terre (Genval et Court-Saint-Étienne) ou vont l’être (Tubize Outlet Mall, ouverture espérée en septembre 2023). À Wavre, sur le parking des Carabiniers, le projet de Matexi est plus que jamais dans les limbes. Et, s’il voit le jour, son volet commercial sera réduit à peau de chagrin (moins de 2 000 m2). Des négociations sont en tout cas en cours entre la Ville et Matexi pour redéfinir à la baisse le prix d’achat du terrain, vu la diminution du projet. À Louvain-la-Neuve, il n’y aura pas d’extension du centre commercial. Klépierre, le propriétaire, est en passe de revendre ses droits d’emphytéose à un développeur bruxellois. On y retrouvera surtout du bureau et des appartements, un peu de commerce de même qu’une grande halle couverte. Alors qu’à Waterloo, la nouvelle vision du centre-ville ne comprend plus de développements commerciaux.
D’autres projets ont-ils émergés entre-temps ou sont-ils dans les cartons ? À l’exception d’un retail park de 9 000 m2 porté par BVI.BE situé en face de Walibi à Wavre, aucun projet n’est sorti de terre. Et rien ne figure non plus dans le pipeline. Il faut dire que le contexte économique, urbanistique et sociétal actuel n’est plus propice à de nouveaux développements. Une tendance qui s’étend d’ailleurs à toute la Wallonie. L’heure est davantage aux rénovations et aux réaménagements de sites obsolètes.
Interview
«On sort d’une situation schizophrénique»
Gilles Delacroix, juriste, fondateur de D-Sigh
Propos recueillis par X. A.
La réforme du CoDT vient d’être approuvée en première lecture par le Gouvernement wallon. D’autres étapes doivent encore suivre. Parmi les éléments mis en avant, on retrouve la réforme des implantations commerciales.
Les nouvelles demandes d’implantations commerciales vont désormais être soumises à un permis d’urbanisme. Un grand changement ?
C’était extrêmement compliqué jusqu’à présent de travailler avec deux législations. Et ce dans un cadre européen contraignant. Il faut savoir que lors de la régionalisation en 2014, la Région wallonne a choisi de maintenir une réglementation des implantations commerciales distincte de celle de l’urbanisme et du permis d’environnement, en créant un régime particulier tant de planification que d’autorisation. Le Gouvernement a donc décidé aujourd’hui de faire de l’implantation commerciale un fait générateur de l’exigence de permis d’urbanisme. Le rôle du fonctionnaire délégué s’en voit renforcé.
Mais concrètement, cela signifie quoi ?
Que les projets d’implantation commerciale de moins de 1 500 m² relèveront d’une décision communale. Ceux de plus de 1 500 m2 du Fonctionnaire Délégué, alors que c’était de 2 500 m2 auparavant. Les communes limitrophes devront aussi remettre un avis lorsque le projet possède une surface commerciale égale ou supérieure à 1 000 m2. Une enquête publique est prévue dans tous les cas.
Avec quels avantages ?
Une meilleure approche globale du territoire pour des projets qui, par nature, sont plus susceptibles que d’autres d’avoir des incidences supra-communales. Il y aura aussi une vraie simplification. La seule incertitude concerne les critères d’appréciation, et notamment la protection du consommateur.
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