J’habite, tu habites, nous habitons…

J’habite, tu habites, nous habitons…
Comment répondre à ses besoins et ses désirs en matière d’habiter sans compromettre le bien collectif ? Une équation bien compliquée à résoudre. Des habitants de Chaumont-Gistoux se sont penchés sur cette question lors d’ateliers citoyens. Retour sur trois témoignages, fictifs, mais librement inspirés par ces échanges.
Texte et photo : Bénédicte Dawance
Comment répondre à ses besoins et ses désirs en matière d’habiter sans compromettre le bien collectif ? Une équation bien compliquée à résoudre. Des habitants de Chaumont-Gistoux se sont penchés sur cette question lors d’ateliers citoyens. Retour sur trois témoignages, fictifs, mais librement inspirés par ces échanges.
Texte et photo : Bénédicte Dawance
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Habiter un lieu ou un logement plutôt qu’un autre est un coup de coeur pour les uns, une charge pour les autres. Habiter selon ses désirs, ses besoins et ses contraintes est une équation que l’on pose à plusieurs moments de la vie. C’est un choix individuel, mais peut-il être aussi porté en conscience du ‘commun’ ? Un deal que l’on passerait avec la collectivité pour que nos choix s’inscrivent dans une cohérence globale de territoire et nourrissent un « vivre-ensemble ». Ces questions ont été abordées lors de trois soirées partagées ces derniers mois avec un panel citoyens à Chaumont-Gistoux. Il en ressort trois témoignages de Simon, Virginie et Grégoire. Des histoires fictives librement inspirées par ces ateliers citoyens.
1. « Cet habitat groupé m’a permis d’avoir mon propre atelier »
Simon (37 ans) est menuisier, père de deux enfants de 8 et 11 ans. Depuis trois ans, sa compagne et lui ont posé leurs valises dans un habitat groupé. Une vaste ferme achetée par un collectif qui y a aménagé six logements.
Pour Simon, ce fut une aubaine d’avoir trouvé ce lieu. La grange, jusqu’alors promise à un espace communautaire, n’a pu être aménagée, faute de financement et de personnes aptes à s’occuper de sa rénovation et de sa gestion. Simon y a installé son atelier de menuiserie. Leur logement précédent ne lui permettait pas de se déployer. Et il ne voulait pas installer son atelier dans un zoning. Il n’en aurait d’ailleurs pas eu le budget. Ici, il a de la place et jouit même d’un coup de mains des voisins lorsqu’il s’agit de manipuler des grosses pièces. « Un lieu qui me permet autant de flexibilité, je n’aurais jamais cru cela possible à Chaumont-Gistoux, confie-t-il. En été, je peux sortir le matériel dans la cour. J’organise autant que possible mes chantiers en fonction de cela. » Et tout le monde y a gagné car c’est lui qui a aménagé la grange, en échange d’un loyer revu à la baisse et d’un accès au petit matériel de menuiserie pour les occupants de l’habitat groupé. Ces derniers imaginaient une activité calme pour cet espace, par crainte d’être dérangés. La plus-value que l’activité de Simon apporte leur était insoupçonnée.
Christine, sa compagne, Antoine et Alice leurs enfants, sont aussi sous le charme du lieu : « Habiter un grand espace comme celui-ci au coeur du village est une situation idéale pour nous. Les commerces et l’école sont à 5 minutes en vélo. » Dès que le sentier sera à nouveau praticable, les enfants pourront être autonomes pour aller à l’école. Ils chemineront avec les autres enfants de la rue. « Nous n’avons pas les mêmes salaires que bien d’autres ménages de la commune et notre logement n’est pas grand, mais les espaces extérieurs que l’on partage avec les autres occupants sont vastes et la solidarité qui s’est installée est magnifique, explique Simon. Habiter ici est un choix que nous ne regrettons absolument pas ! »
Simon et sa compagne nous relatent un mode d’habiter qui allie logement et espace de travail, flexibilité, espace vert collectif, localisation au coeur du village. Il nous parle aussi de solidarité et d’économie contributive. Des éléments qui animent le choix de vivre et partager un lieu.
2. « Vivre dans une villa 4 façades nous contraint à certains choix »
Virginie (42 ans), séparée, est mère de trois enfants. La famille habite une villa 4 façades à la sortie du village, le long de la chaussée et de son trafic toujours plus important. « J’ai beaucoup hésité à habiter ici, explique-t-elle. Ce n’est pas mon choix de coeur. Cette maison appartenait à mes parents. Ils ont décidé d’aller vivre à Louvain-la-Neuve dans un appartement. Entretenir le jardin était devenu trop lourd pour eux. Pour moi, c’était la seule solution pour rester vivre à Chaumont-Gistoux avec les enfants. Mes parents ont fait la donation de la maison à ma soeur et moi. Ma soeur vit en Ardenne. Pour elle, Chaumont-Gistoux, c’est déjà la ville. Je suis un peu dubitative quand elle me dit cela, mais je la comprends. Par ailleurs, c’est vrai qu’un terrain de 15 ares, c’est a priori chouette pour les enfants, mais je me dis parfois que c’est trop grand et que mon voisin agriculteur pourrait agrandir sa prairie et donner plus de place à ses vaches. J’aurais le sentiment de moins consommer d’espace. Et les enfants préfèrent de loin jouer dans des cabanes avec leurs copains. Elles sont situées pas très loin d’ici, dans une réserve naturelle. Le seul bémol, c’est la traversée de la chaussée. On espère qu’elle sera bientôt sécurisée. »
L’habitat rêvé pour Virginie, c’est une vieille bâtisse. La pierre plutôt que la brique. Rénover la maison n’a pas été simple et elle espère que les travaux ne seront pas obsolètes dans cinq ans. « Vivre ici, c’est aussi être obligée d’avoir une voiture pour la majorité de mes déplacements. Nous sommes proches de l’autoroute. Je travaille dans une école à Wavre et j’aimerais y aller en vélo. Ce n’est pas possible aujourd’hui, mais je ne désespère pas. C’est une problématique que j’aimerais partager avec mes voisins mais j’ai peu de contacts avec eux. »
Virginie nous parle de l’héritage des lotissements 4 façades construits dans les années 1970, mal isolés, dévoreurs d’espace et éloignés des villages. Les déserter n’est toutefois pas une solution. Y renforcer le maillage pour les modes actifs et créer des espaces de rencontre sont parmi les solutions pour désenclaver ces lieux et y encourager la convivialité.
3. « Une maison mitoyenne et passive est un bon compromis »
Grégoire (31 ans) adore son logement. Proche du centre du village et de l’arrêt du bus. Il peut même se rendre à vélo à Louvain-la-Neuve où il travaille comme data scientist. Il ne connaissait pas la commune, c’est l’opportunité de son job qui l’a amené dans la région. Après avoir habité pendant cinq ans au coeur de Louvain-la-Neuve, il a préféré la verdure de Chaumont- Gistoux. Non pas pour avoir un grand terrain dont il n’aurait pas le temps, ni l’envie de s’occuper, mais une petite parcelle se greffant à quelques maisons mitoyennes dans le village. « Pour moi, c’est l’idéal, explique le jeune homme. Ce qui était important, c’était de construire un bâtiment passif, voire à énergie positive. Je voulais investir dans cette optique durable. Une sorte de compensation à l’impact environnemental de mes déplacements. »
Et de poursuivre : « Je ne voulais pas habiter en dehors du village. Tous les jours de la semaine, je suis seul devant mon écran. Je voulais consacrer mon temps libre aux loisirs et à la balade. Et non à tondre la pelouse ! J’ai été heureux de découvrir une vie associative et culturelle dynamique. J’apprécie aussi les fêtes organisées deux fois par an dans la rue. Une belle occasion de rencontrer les voisins. Depuis lors, on se fait signe tous les jours ! »
Il a construit sa maison en mitoyenneté. Ce qui n’a pas été évident à accepter pour ses voisins qui profitaient jusqu’alors d’une vue plus dégagée. « Ma première démarche a été d’aller me présenter et d’expliquer mon projet. La crainte s’est dissipée au fur et à mesure que j’ai expliqué l’évolution du projet en prenant soin de l’ajuster en fonction des informations recueillies sur la nature du terrain et sur leurs sensibilités. Cela a été enrichissant. »
Grégoire expose les motivations pour un mode d’habiter en dehors du milieu urbain à proximité de la nature en posant des choix conscients pour limiter son impact environnemental. Cela passe par la localisation en centralité et la manière de construire. Son histoire montre aussi les démarches de rencontre et d’accueil de personnes qui s’installent. Une acceptation sociale qui est tout autant délicate que primordiale pour contribuer à l’ambiance des quartiers et villages.
TROIS ATELIERS CITOYENS ORGANISÉS À CHAUMONT-GISTOUX
Ils font suite à des séances que la commune a organisées sur la thématique du logement en 2022. Il s’agissait de mener une réflexion sur la diversité des logements. Les ateliers que la Maison de l’urbanisme et la commune ont conçus se sont cette fois inscrits dans une réflexion globale. Il s’agissait dans un premier temps de situer le contexte d’urbanisation de Chaumont-Gistoux vis-à-vis des objectifs régionaux et de faire émerger les défis propres à l’entité. Dans un second temps, les participants ont été questionnés sur leur rapport entre leurs besoins résidentiels et les formes de logement que l’on peut trouver ou encourager. La troisième étape a proposé la convergence des approches et la réflexion étayée sur les modes d’habiter à Chaumont-Gistoux. Le tout en vue de nourrir un imaginaire collectif du « village où il fait bon vivre aujourd’hui et demain, pour chacun et pour tous ». « Beaucoup d’éléments ont été discutés lors de ces trois soirées, explique Sese Kabanyegeye, échevine de l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme et du logement de Chaumont-Gistoux. Si nous devions retenir deux points, ce serait l’évidence de la localisation en centralité quel que soit le profil des personnes et d’activités, mais aussi l’intérêt de la démarche qui participe à elle seule à ériger le vivre-ensemble. » Et Laurent Debefve, chef du service urbanisme à Chaumont-Gistoux d’ajouter : « À l’heure où les enjeux climatiques et planétaires imposent de nouvelles façons de penser, comprenons qu’il y a une concession primordiale à faire : celle d’accepter que nous devons nous regrouper, pour habiter ensemble au sein des espaces qui sont déjà les mieux équipés. Dès aujourd’hui, c’est dans ce sens que nous devons réorienter nos manières de penser et concevoir l’aménagement du territoire, pour qu’après en avoir vécu l’expérience enrichissante, les générations suivantes enclenchent le pas, tant par conviction que par envie. »
Interview
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