Comment la Dyle peut être un atout pour une ville

Comment la Dyle peut être un atout pour une ville
Une rivière, deux régions mais des approches bien différentes sur la manière d’appréhender la présence de l’eau en ville. Louvain a multiplié les aménagements ces dernières années pour faire de la Dyle un atout. De quoi inspirer bon nombre de communes du Brabant wallon. Retour sur notre visite de terrain organisée en septembre dernier.
Texte : Xavier Attout - Photo : Paul Brasseur et Maureen Schmetz
Une rivière, deux régions mais des approches bien différentes sur la manière d’appréhender la présence de l’eau en ville. Louvain a multiplié les aménagements ces dernières années pour faire de la Dyle un atout. De quoi inspirer bon nombre de communes du Brabant wallon. Retour sur notre visite de terrain organisée en septembre dernier.
Texte : Xavier Attout - Photo : Paul Brasseur et Maureen Schmetz
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La différence saute directement aux yeux. Une même rivière mais deux mondes bien différents alors qu’ils ne sont éloignés que de quelques kilomètres. Si la Dyle traverse Genappe, Court-Saint-Étienne, Ottignies et Wavre avant de poursuivre son chemin vers Louvain, elle ne traverse pas ces entités avec la même fluidité, ni n’est mise en valeur de la même manière. Des éléments qu’ont voulu mettre en avant le Contrat de rivière Dyle-Gette et la Maison de l’urbanisme du Brabant wallon en organisant en septembre dernier une visite de terrain à Louvain à destination d’élus, agents communaux et membres de CCATM du Brabant wallon. Une trentaine de personnes ont bravé la pluie pour découvrir la manière dont Louvain a apprivoisé sa rivière et a su en tirer pleinement parti lors de la réaffectation de sites industriels. Des pistes intéressantes à l’heure où plusieurs projets immobiliers sont en passe d’être aménagés à proximité de la Dyle, tant à Ottignies qu’à Wavre. « La vision territoriale mise en place à Louvain est vraiment intéressante, expliquent Maureen Schmetz, de la Maison de l’urbanisme du Brabant wallon, et Jean-Marie Tricot, du Contrat de rivière Dyle-Gette. Ils ont réussi à faire de la Dyle un atout pour le développement de leur ville et pour améliorer la qualité de vie de leurs habitants. Il s’agit d’une réelle source d’inspiration pour les communes de la province. »
Être un élément rassembleur
Quatre sites ont été parcourus lors de cette journée. Avec, à chaque fois, une explication particulièrement détaillée effectuée par les services de la Ville de Louvain et par Michel Pauwels, du bureau d’architecture Pauwels. De quoi mettre en avant les décisions prises depuis 1997 et les prochains chantiers prévus. Des choix qui permettent de rendre la ville plus résiliente aux changements climatiques tout en valorisant son patrimoine. Ces aménagements lui ont notamment permis de ne pas être particulièrement impactée par les importantes inondations de l’été 2021. Première étape, le site du Vaartkom. La transformation d’un ancien site industriel situé à proximité du centre-ville en un quartier dynamique, offrant une diversité de fonctions. Ce chancre a été réaménagé en six zones à travers un projet porté par la Ville. On y retrouve des places, des voiries, des pistes cyclables et autres espaces situés en bordure de la Dyle. De quoi retrouver la présence de la rivière dans cette ancienne zone industrielle. « Ce lieu doit devenir un espace où l’on peut travailler, se détendre et se rencontrer alors qu’il s’agissait d’une zone urbaine coupée du centre de Louvain, a lancé Laurien Danckaerts, coordinatrice de développement de projets à la Ville de Louvain. La Dyle faisait alors office de rupture urbaine. » Le projet mêle immeubles neufs et restauration de certains bâtiments historiques. Une marina (Haverkant) structure l’ensemble. « Il y a une vraie volonté de tisser une maille cyclo-piétonne fine pour connecter les quartiers, poursuit Laurien Danckaerts. La Dyle doit devenir un espace de liaison.» Juste à côté, le Sluispark, un vaste espace vert en coeur de ville a été sobrement aménagé de manière à laisser aux usagers la possibilité de s’approprier l’espace. « L’eau a été mise en valeur par la végétalisation des berges, la mise en place d’une échelle à poissons, l’aménagement de terrasses en gradins submersibles ou encore de coursives pour les piétons, a détaillé Laurien Danckaerts. L’instauration d’une régulation du débit de l’eau permet de garantir en période de sécheresse un débit suffisant pour la circulation de la faune aquatique. » Précisons que ces aménagements ont été possibles grâce à la mise en place en amont d’une grande zone de retenue des eaux. Et que ces mêmes aménagements ont également permis le développement d’une riche faune et flore.
La vision territoriale mise en place à Louvain est vraiment intéressante. Ils ont réussi à faire de la Dyle un atout pour le développement de leur ville.
Maureen Schmetz, de la Maison de l’urbanisme, et Jean-Marie Tricot, du Contrat de rivière Dyle-Gette
Valoriser les abords et créer des espaces publics
La seconde étape de ce parcours amène les participants à la découverte d’une succession de petites places qui ont été aménagées le long de la Dyle. Des espaces publics de qualité qui attirent les badauds. « Des dégagements en bordure de la Dyle ont été aménagés au fur et à mesure, souvent en même temps que de projets immobiliers adjacents, explique l’architecte Michel Pauwels. Il s’agit de placettes et cheminements cyclo-pédestres qui créent un maillage fin et permettent de connecter les quartiers. » Parmi les quelques précautions qui ont été prises, citons le fait que les bâtiments ont été surélevés, la mise en place de batardeaux (des barrières anti-inondation) ou d’obstacles qui permettent de rejeter l’eau sur l’espace public. « Les aménagements prennent en compte la variation de hauteur de l’eau et ne cherchent pas à maîtriser à tout prix cette variable, a fait remarquer Michel Pauwels. Libérer de l’espace permet une mise sous eau et la création d’espaces publics comme cette agora qui constitue un espace de rétention d’eau lors des pluies tout en offrant un lieu de rencontre en dehors des périodes de fortes pluie. » Notons toutefois que les berges restent encore très minérales à de nombreux endroits.
Désartificialiser la ville
L’arrêt suivant a amené la trentaine de participants sur l’un des plus importants sites actuellement en chantier, l’Hertogensite, soit la transformation d’un ancien site hospitalier en une zone mixte (540 logements) sans voiture. « Dans ce projet, il y a une vraie volonté de connecter le site à la ville, de créer des continuités dans les espaces publics, a expliqué Karen Landuydt, coordinatrice de développement de projets à la Ville de Louvain. Cela passe notamment par la mise à ciel ouvert de la Dyle, la création de berges naturelles et la conservation d’un espace naturel préservé des usages et des passages de l’homme. » Ajoutons que des espaces verts devant favoriser la régulation thermique seront aménagés, alors qu’il y a également la volonté de mettre en place un outil d’évaluation de la qualité de l’eau.
Enfin, juste à côté d’Hertogesite, on retrouve un site aménagé il y a quelques années, le Janseniushof. Les aménagements effectués ont permis de désartificialiser cet îlot et de dégager des espaces publics et des espaces verts ouverts au public. « On est passé ici de l’îlot fermé à l’îlot ouvert avec un maillage cyclo-piéton urbain, a précisé Karen Landuydt. C’est une belle réussite. Une aire de jeux partagée entre l’école et le public est également accessible. » Autant d’aménagements qui pourraient en tout cas inspirer bon nombre de communes brabançonnes.
Cinq points à retenir
=>Une rivière doit être un élément fort, un atout pour l’identité d’une ville et non une contrainte
=> La présence d’un cours d’eau améliore la qualité de vie urbaine et doit être un facteur de restructuration urbaine
=> Les aménagements en bordure de cours d’eau doivent permettre de dégager de la place pour les espaces publics et les modes actifs
=> La rivière amène biodiversité, qualité de l’air et régulation thermique
=> Les travaux de ce type sont complexes et nécessitent une planification d’ensemble entre acteurs privés et publics
Interview
Paul Brasseur, échevin de la lutte contre les inondations de Wavre
« Louvain a beaucoup à nous apprendre, même s’ils ont leurs propres spécificités. Leurs partenariats public/privé sont notamment très intéressants et leur ont permis de réaliser de très beaux projets. La végétalisation des berges, les aménagements de terrasses en gradins submersibles, les coursives pour les piétons ou encore la construction de nombreux logements couplés à l’aménagement de parcs arborés doivent nous inspirer. À Wavre, le travail ne manque pas. Nous avons notamment remis notre candidature à un appel à projets de la Wallonie pour la remise à ciel ouvert de la Dyle au Quai aux Huitres. Nous sommes en tout cas pressés de voir le Schéma de développement communal (SDC) aboutir pour pouvoir déterminer une vraie vision du territoire. L’accent du SDC sera mis sur la gestion de l’eau sur notre territoire. D’une manière générale, la place de l’eau et la verdurisation du centre-ville, comprenant la lutte contre les îlots de chaleur, nous paraissent devoir bénéficier d’une attention prioritaire. J’espère que ce schéma sera finalisé en 2023. »
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