Comment adapter le bâti brabançon  à l'évolution démographique

Comment adapter le bâti brabançon  à l'évolution démographique

La démographie du Brabant wallon est en train d’évoluer avec une hausse du nombre de personnes seules et de personnes âgées. Une montée en puissance qui va profondément modifier la configuration du parc de logements. De nouvelles initiatives sont attendues pour répondre aux besoins.

Texte : Xavier Attout - Photo : Xavier Attout

La démographie du Brabant wallon est en train d’évoluer avec une hausse du nombre de personnes seules et de personnes âgées. Une montée en puissance qui va profondément modifier la configuration du parc de logements. De nouvelles initiatives sont attendues pour répondre aux besoins.

Texte : Xavier Attout - Photo : Xavier Attout

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La densification du territoire wallon reste plus que jamais d’actualité. Le Brabant wallon n’y échappe bien évidemment pas. Il s’agit d’une réponse à l’augmentation attendue du nombre d’habitants. Mais également d’une volonté de réorganiser le bâti en concentrant davantage les logements et les activités à proximité des centres, qu’ils soient urbains ou ruraux.

Même si les augmentations démographiques annoncées ces dernières années ont été revues à la baisse, le Brabant wallon devrait tout de même attirer 80 000 habitants supplémentaires d’ici 2070, selon les projections de la Fondation économique et sociale du Brabant wallon. Ce qui n’est pas négligeable. De quoi atteindre les 490 000 âmes. Toutes les classes d’âge sont bien évidemment concernées par cette hausse – ce qui n’est pas le cas dans les autres provinces wallonnes. Mais l’une d’entre-elles est particulièrement concernée : celle des personnes de plus de 65 ans. Elle représente 19 % de la population aujourd’hui. D’ici 2070, la proportion atteindrait 29 %, soit une augmentation de 82,2 % alors que la croissance moyenne ne sera que de 55 % en Wallonie. Un constat qui se répercutera sur le nombre de centenaires qui vivent dans la province : ils passeraient de 73 en 2020 à plus de 1 900 en 2070. Une situation qui va obliger tous les propriétaires, les pouvoirs publics, les promoteurs et autres constructeurs à réinventer complètement l’offre de logements dans la province, qui est actuellement largement inadaptée pour les seniors.

« Le Brabant wallon se compose pour le moment essentiellement de maisons et de villas (ndlr : près de 75 % des logements), avec également 24 % d’appartements », peut-on lire dans le Brabant wallon en chiffres, publié par la Fondation économique et sociale du Brabant wallon. Un bâti qu’il faut rénover mais qu’il faut également transformer et réhabiliter pour faire face aux enjeux de demain.

Le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de ménages isolés sont bien évidemment des tendances que nous suivons de près depuis longtemps. Surtout qu’elles vont s’accentuer à l’avenir. Renaud Naiken, directeur de Matexi Brabant wallon

Logements et parcelles plus petits

Car à côté du vieillissement de la population, un autre phénomène est également en train de déjà transformer l’approche du bâti : l’évolution du nombre de personnes vivant seules. Les isolés et les familles monoparentales sont en train de grimper en flèche. D’après les données de Statbel, on retrouve pour le moment 36 % de ménages isolés sur les 5 millions de ménages belges. Un taux qui grimpe à 49 % si on inclut les familles monoparentales. D’ici 2070, ces chiffres vont s’envoler, avec quatre ménages sur dix qui seront par exemple des isolés. Une situation qui ne va faire que renforcer leur précarité économique, poussant le plus souvent ces ménages vers le marché locatif. Une nouvelle donne qui va également obliger à revoir la configuration du parc de logements en Brabant wallon, largement inadapté à ces profils. « On observe déjà une réduction de la taille des ménages en Wallonie avec le vieillissement progressif de la population mais aussi l’augmentation du nombre de ménages isolés et de la diminution du nombre d’enfants par couple, lance Julien Charlier, de l’IWEPS. Conséquences ? Des besoins en logements plus petits, en appartements ou sur des parcelles moins vastes. »

Division, réhabilitation ou reconstruction du bâti pour rendre ces espaces plus adaptés aux besoins futurs du Brabant wallon sont des pistes incontournables. Tout comme les alternatives déjà en place, qui favorisent une nouvelle utilisation du bâti (voir encadré), et qui devront être accentuées. « Il me semble que la production privée correspond pour le moment à l’évolution des besoins, souligne Vincent Bottieau, géographe au Centre de recherches et d’études pour l’action territoriale de l’UCLouvain. Notamment pour les personnes isolées. La production se concentre sur des appartements de petites tailles. Tout n’est pas parfait néanmoins. Les logements pour les personnes dont la mobilité est réduite sont quasiment inexistants. Or, au rez-de-chaussée des immeubles, il serait possible d’aménager des logements de ce type. Augmenter le nombre de logements modulables serait également intéressant pour s’adapter aux évolutions de la vie. Cela ne revient pas beaucoup plus cher en matière de construction. Il y a des intentions d’aller vers ce type de logement mais la concrétisation se fait attendre (ndlr : un projet de ce type est en cours à Liège avec la résidence Asklépios). Cela ne nécessite que quelques modifications techniques, telles que des douches adaptables ou un plan de travail qu’il est possible de descendre ou monter. Pour y parvenir, je pense qu’une impulsion politique sera nécessaire. »

Un constat qui est partagé par le sociologue et urbaniste Yves Hanin, directeur du CREAT : « Il est toujours difficile de dissocier l’impact démographique d’autres impacts. Une série de logements sont aujourd’hui obsolètes et seront dépréciés, quoi qu’il arrive en matière de démographie. L’impact du vieillissement ne sera pas non plus le même partout en Brabant wallon. Rixensart, La Hulpe, Braine- l’Alleud, Lasne, Ottignies ou Waterloo sont confrontées à un vieillissement de la population plus prononcé. Cela signifie que l’avenir de leurs lotissements se jouera donc pratiquement de manière simultanée puisque les personnes qui s’y sont installées l’ont fait au même moment. Ces propriétaires devront alors choisir d’adapter ou non leur logement. Une multitude de projets différents pourrait donc émerger suite à cela. Surtout que les personnes âgées souhaitent rester davantage chez elles depuis le covid, tout en effectuant certains aménagements pour leur bien-être. On le remarque dans les chiffres de fréquentation des maisons de repos, qui sont en baisse. Reste que la dépendance à la voiture et les conditions de vie dans le périurbains, avec une offre de services plus faible, sont des aspects qu’il ne faudra pas négliger. »

Proposer une offre diversifiée de logements

Sur le terrain, les promoteurs immobiliers ont conscience de ces évolutions mais ne modifient pas encore nécessairement la programmation de leurs développements en fonction de ces éléments. Pour une raison simple : dans leurs projets d’appartements, il existe déjà le plus souvent une grande diversification dans l’offre. « Le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de ménages isolés sont bien évidemment des tendances que nous suivons de près depuis longtemps, explique Renaud Naiken, directeur de Matexi Brabant wallon. Surtout qu’elles vont s’accentuer à l’avenir. Toutefois, nous proposons déjà une grande diversité dans nos projets : cela va du studio à l’appartement de trois chambres. Ces derniers sont plébiscités par les seniors qui disposent de davantage de moyens financiers. Les appartements sont souvent un peu plus grands en Brabant wallon que dans les autres provinces. Dans notre projet Belle Vallée à Jodoigne, un des deux immeubles à appartements comprend des appartements plus petits, adaptés à une offre spécifique. C’est déjà un premier pas. »

À Louvain-la-Neuve, les projets se multiplient également. Mais, pour le moment, l’idée est essentiellement d’équilibrer une offre qui est déjà élevée en logements de petites tailles. « C’est pour cela que dans le cadre du projet Athena (1 300 logements), l’idée est avant tout de favoriser l’arrivée de familles avec des logements relativement spacieux de minimum trois chambres, explique Nicolas Cordier, directeur du développement urbain de l’UCLouvain. Mais cela peut donc également concerner les familles monoparentales qui, une semaine sur deux, peuvent se retrouver avec plusieurs enfants. Ce projet comprendra toutefois une large diversité de logements qui devraient pouvoir répondre à tous les besoins. D’autres projets existent également dans la ville, dont deux le long de l’avenue du Ciseau ou à proximité de l’Ephec. On y retrouvera essentiellement des petits appartements. Tout comme l’étaient les derniers gros projets. L’important est d’avoir une offre diversifiée. »

Des alternatives pour les seniors

Le Brabant wallon possède déjà de multiples possibilités pour loger ses seniors. À côté des résidences-services et des maisons de repos et de soins, il existe une série d’initiatives différentes et variées. Dont certaines qui poussent à réinventer l’habitation des personnes âgées, de manière à ce qu’elles restent le plus longtemps possible chez elles, ou alors à voir apparaitre de nouvelles formes d’habitat. Que ce soit via un habitat communautaire ou un habitat groupé.

En Brabant wallon, les maisons Abbeyfield tentent par exemple de se développer pour répondre à ces besoins. Il s’agit d’un habitat groupé de taille familiale (10 unités de logement). On en dénombre dix pour le moment en Belgique, dont une à Perwez. « L’ambition est clairement d’accélérer le développement après une période de mise en route ces dernières années, explique Vincent Leroy, d’Abbeyfield. Notre ambition est d’avoir une mixité dans les âges (de 65 à 85 ans). Il s’agit de personnes qui sont encore très autonomes et qui veulent favoriser le vivre-ensemble. Elles veulent aussi égayer cette troisième partie de leur vie. Nous ne sommes pas la solution mais une des solutions possibles pour les personnes âgées. Ceux qui souhaitent créer un habitat de ce type doivent fédérer autour d’eux un ensemble de personnes qui sont prêts à s’investir dans la gestion d’une telle structure. Les maisons sont financées par les communes ou par des personnes philanthropes. »

L’habitat intergénérationnel (kangourou) est une autre piste – il mêle jeunes et personnes âgées. L’asbl 1Toit2Ages propose par exemple ce type de logements. La réhabilitation du site Bella Vita à Waterloo est un autre projet unique en son genre, avec un quartier de 182 appartements et 87 maisons tournés vers les liens intergénérationnels et les services de proximité. Enfin, parmi les autres pistes, le logement évolutif en est une. Thomas & Piron vient d’ailleurs de se lancer dans cette voie. L’idée est d’adapter son logement à chaque étape de la vie, en y ajoutant ou retirant des volumes en fonction des besoins.

Interview

« Les particuliers ont également un rôle à jouer »

Hugues Kempeneers, directeur d’Embuild Wallonie

L’enjeu de la réhabilitation du bâti résidentiel est énorme en Wallonie. Comment procéder ?

À côté de l’enjeu gigantesque de la rénovation du bâti énergétique, celui de la transformation du bâti existant vers un bâti qui répond davantage à l’évolution des ménages n’en est pas moins important. La composition des ménages n’est plus la même qu’hier et ne sera pas la même demain. Il faut donc réfléchir à la manière de réinventer ce parc de logements.

Quel rôle peuvent jouer les petits propriétaires dans ce cadre ?

Pour le bâti existant, plusieurs pistes existent. La démolition/reconstruction est la plus radicale mais permet d’adapter le mieux les logements aux besoins de demain. Dans certains cas, il n’est pas économiquement rentable de transformer des villas en des logements de petites tailles. Elles n’ont pas été conçues pour cela. Pour les autres, procéder à une division de logement n’est pas un obstacle insurmontable. Diversifier l’offre de logements dans les lotissements est obligatoire. Mais il faut que les communes, à travers leurs règlements, aient une ouverture sur ce point.

Comment réinventer ce parc de villas qui est obsolète ?

Nous ne pourrons pas tout raser et nous passer de ce genre d’habitations. D’autant que si on limite la densification en dehors des centres urbains et que l’on supprime ce parc de logements, nous allons au-devant d’un sérieux problème. Il faut donc réfléchir à la conception de logements adaptables via la rénovation. Nous travaillons d’ailleurs à l’élaboration d’un référentiel du logement adaptable. Ces logements devront répondre à une série de critères minimums, sans engendrer de grands frais. Ajoutons que, à côté de cela, il y a le logement adapté qui a, dès la conception, été pensé en fonction des différentes étapes de la vie.

Mais transformer le bâti n’est pas tout…

En effet. La transformation, c’est aussi la relocalisation des ménages dans les centres urbains. Et la réhabilitation, c’est aussi l’amélioration des espaces publics d’une commune et l’augmentation de l’offre de services. La réflexion doit être globale.