Avec les autres des habitants acteurs de leur cadre de vie
Avec les autres des habitants acteurs de leur cadre de vie

« Avec les autres » est un projet de longue haleine mené à Ottignies-Louvain-la-Neuve pour faciliter la participation à la vie sociale, culturelle et politique des publics à faible revenus. L’enjeu de leur donner la parole semble d’autant plus important qu’ils vivent au sein d’une province wallonne particulièrement favorisée.
Texte et photos : Caroline Dunski
« Avec les autres » est un projet de longue haleine mené à Ottignies-Louvain-la-Neuve pour faciliter la participation à la vie sociale, culturelle et politique des publics à faible revenus. L’enjeu de leur donner la parole semble d’autant plus important qu’ils vivent au sein d’une province wallonne particulièrement favorisée.
Texte et photos : Caroline Dunski
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En 2019, le Plan de Cohésion sociale ottintois, le Centre de Formation Cardijn (CEFOC) et l’asbl Habitat & Participation posaient un triste diagnostic : les personnes disposant de petits revenus développent un sentiment de relégation, d’abandon et d’isolement, et prennent moins part à la vie sociale, culturelle et politique. Cela peut aller jusqu’à la crainte des différentes formes de contrôle social et la perte de leur logement. Afin de faciliter leur participation, de leur donner la parole et, surtout, de la reconnaitre comme légitime, les partenaires réunis par le Service de Cohésion et Prévention Sociales de la Ville (SCPS) d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, le CEFOC et le Réseau brabançon pour le droit au logement (RBDL) ont développé collectivement le projet local « Avec les autres ». Entamé dans cinq quartiers de logements sociaux – à la Chapelle aux Sabots, à Mousty, au Buston, au Bauloy et à Lauzelle – il se poursuivra pendant cinq ans. À terme, d’autres partenaires, comme le Rassemblement wallon du droit à l’habitat, la Maison de l’urbanisme du Brabant wallon, le Centre Culturel d’Ottignies et le Centre régional d’intégration du Brabant wallon (CRIBW) devraient rejoindre le projet conçu comme un laboratoire où germera un futur bras de levier. La méthodologie des porteurs du projet s’appuie entre autres sur les travaux de Jacques Rancière qui postule que tous les hommes ont une égale intelligence et qu’on peut apprendre seul, sans maître explicateur.
Co-construire méthodologie et thématiques
Dans « Avec les autres », l’enjeu est de reconnaitre l’expertise des personnes interviewées, de créer du lien et de le maintenir dans la durée. Comme la Wallonie l’inscrit dans son « plan stratégique de lutte contre la pauvreté et de réduction des inégalités », « les acteurs de terrain doivent être attentifs à la parole des personnes en situation de pauvreté en vue d’éviter la dégradation de leur situation par la prise de mesures inappropriées ». La méthodologie du travail collectif sera co-construite au fur et à mesure des rencontres et les habitants des quartiers dégageront eux-mêmes les thématiques qu’ils souhaitent travailler. Un guide d’entretien a été conçu par et pour les animateurs et animatrices qui vont à la rencontre des habitants dans les différents quartiers. Les conditions de l’entretien sont importantes autant pour les travailleurs sociaux qui les réalisent que pour les personnes rencontrées. Toute la question est de savoir comment se présenter et comment lever les différents freins aux échanges. Il y a la barrière linguistique, l’absence d’un local où organiser des rencontres, le manque de relais dans les quartiers, ou encore des difficultés des CCLP (comités consultatifs des locataires et propriétaires) à exister et à être de véritables interlocuteurs des sociétés de logement public.
Mon objectif capital est que les habitants soient reconnus comme légitimes pour porter des revendications, qu’ils se sentent plus forts d’abord individuellement, puis collectivement, qu’ils s’approprient leur quartier et leur logement pour qu’ils en deviennent acteurs.
Une posture d’humilité
Mady Ledant, secrétaire régionale des Équipes populaires du Brabant wallon, insiste sur la posture d’humilité que doivent adopter celles et ceux qui récoltent la parole. « On est en train de découvrir des choses, non pas pour agir, mais pour soutenir de l’action, que les gens en soient le moteur. Dans certains quartiers, il n’y aura pas nécessairement un résultat visible. » Laurence Braet, chargée de missions d’Habitat & Participation, souligne la nécessité de se débarrasser de ses grilles de lecture habituelles. « D’emblée se pose la question de la posture du travailleur social. Nous misons plus sur la méthodologie en nous laissant bousculer. Il y a plusieurs étapes : Après un premier contact pour fixer un rendez-vous, il y a l’entretien que nous menons à deux. Une personne qui pose les questions, l’autre qui écrit. La parole est restituée à la personne à qui elle appartient lors d’une rencontre collective pour que petit à petit, les personnes se sentent légitimes. Souvent, les habitants des quartiers ne se sentent pas en confiance quand ils sollicitent les acteurs publics tels que la Ville ou la société de logement public. Mon objectif capital est que les habitants soient reconnus comme légitimes pour porter des revendications, qu’ils se sentent plus forts d’abord individuellement, puis collectivement, qu’ils s’approprient leur quartier et leur logement pour qu’ils en deviennent acteurs. »
Dans le quartier de Lauzelle à Louvain-la-Neuve, la dynamique des entretiens menés d’avril à juin par Pauline Gérard, chargée de projet au SCPS, Julien Scharpé, animateur de Présence et Action Culturelle, et Justine Blanchy du Centre Placet, a été fort différente selon que les personnes habitent un appartement ou une maison, où les problématiques de la vie quotidienne sont différentes. « L’envie d’aller vers les autres est plus présente dans l’immeuble, note Justine. Un local communautaire est d’ailleurs mis à la disposition de la commune par Notre Maison pour privilégier des projets collectifs comme l’école des devoirs, le Collectif des femmes, le CRIBW… Au début, l’idée était d’entrer un peu dans l’intimité des gens, mais ce local permet de créer du lien. » Pour Pauline, le fait que le projet s’étale sur cinq ans et la force de travailler avec les réseaux de chacun « permettent d’élargir le champ des possibles. Pour les travailleurs sociaux, il est intéressant d’entendre la parole des gens et de la relayer. »
Des travailleurs sociaux qui devront aussi veiller à ne pas stigmatiser ces personnes sous couvert de légitimer leur parole en leur accolant une étiquette comme « experts du vécu » ou « habitants de quartiers défavorisés ».
Pour les travailleurs sociaux, il est intéressant d’entendre la parole des gens et de la relayer.
Myriam El Mahi, responsable de projets Français langue étrangère, Génération espoir
« J’habite le quartier du Bauloy, mais je ne vais pas souvent dans la partie dans laquelle nous avons fait du porte à porte, Laurence Braet et moi. Les barrières des jardins devant les maisons rendent l’accès difficile. Pour moi, passer la barrière pour atteindre la sonnette, qui parfois ne fonctionne pas, et franchir une première étape de l’intimité des habitants n’est pas évident. Ces approches nous poussent à sortir de nos zones de confort et à rencontrer des personnes que nous n’aurions peut-être pas croisées en rue. »
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