Ces nouveaux modèles qui vont impacter le territoire

Ces nouveaux modèles qui vont impacter le territoire
Rationalisation et économies touchent tous les secteurs et tous les territoires. Le Brabant wallon n’y échappe pas. De nouveaux modèles communaux vont émerger, redessinant les coopérations au sein de la province. Que ce soit des fusions ou différentes formes de supracommunalité. La multiplicité des besoins en matière d’urbanisme, d’inondations ou d’environnement va également redistribuer les cartes. Analyse.
Texte : Xavier Attout - Photo : Xavier Attout
Rationalisation et économies touchent tous les secteurs et tous les territoires. Le Brabant wallon n’y échappe pas. De nouveaux modèles communaux vont émerger, redessinant les coopérations au sein de la province. Que ce soit des fusions ou différentes formes de supracommunalité. La multiplicité des besoins en matière d’urbanisme, d’inondations ou d’environnement va également redistribuer les cartes. Analyse.
Texte : Xavier Attout - Photo : Xavier Attout
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“Une nouvelle fusion des communes est inévitable.” En début d’année, à l’heure de dresser les perspectives de son entité pour 2023, le bourgmestre de Jodoigne, Jean-Luc Meurice, a relancé une fameuse chimère. En faisant le bilan comptable de sa commune et en énumérant ses nouveaux besoins, son constat semble pourtant évident : mutualiser des services entre entités voisines est un premier pas, fusionner les territoires sera le second. Une manière d’éviter la faillite collective. L’idée, que d’autres responsables communaux brabançons ont également dans leur tête, ne sera toutefois pas une mince affaire. La Belgique n’a pas une tradition de fusionner ses communes. Huit l’ont été ces vingt dernières années. Et aucune en Wallonie. Bastogne et Bertogne seront, en 2024, les premières à franchir le pas depuis 1976. Non sans heurts toutefois, vu l’opposition de certains sur le terrain. Il restera alors encore 261 communes wallonnes. Faut-il alors en rester là ? Pas vraiment, selon Itinera. Ce think thank indépendant basé à Bruxelles estime que les communes de moins de 15 000 habitants doivent clairement réfléchir à la question de la fusion. Et il y en a un certain nombre sur la liste, puisque la taille moyenne d’une commune wallonne est de 13 000 habitants alors qu’elle est de 21 000 habitants en Flandre et de 45 000 habitants aux Pays-Bas. « Les communes wallonnes sont quatre fois moins peuplées que les communes hollandaises, ce n’est pas tenable, estime Jean Hindriks, membre fondateur de l’Itinera Institute et professeur d’économie à l’UCLouvain. Des choix doivent être posés. En dessous de 15 000 habitants, la masse critique n’est pas suffisamment grande pour pouvoir avoir des leviers d’actions suffisants. Vu la hausse des couts, la tenaille se resserre en tout cas. Si les communes ne le font pas d’elles-mêmes, elles seront bientôt poussées à passer par là. »
Plus qu’une douzaine de communes en Brabant wallon ?
En Brabant wallon, on recense une majorité d’entités de moins de 15 000 habitants. Seules Braine-l’Alleud, Wavre, Ottignies-Louvain-la- Neuve, Waterloo, Nivelles, Tubize, Rixensart et Genappe dépassent ce seuil. Les possibilités de fusion sont donc nombreuses. Si on se base sur les projections d’Itinera, on pourrait imaginer que le Brabant wallon ne compte plus qu’une douzaine d’entités à terme. Les communes qui sont particulièrement dans le viseur ? Hélécine (3 644 habitants en janvier 2020), Incourt (5 522 hab.), Ramillies (6 548 hab.) et Ittre (6 957 hab.). Précisons qu’Itinera axe son raisonnement principalement sur le volet financier et ressources humaines, pointant notamment la taille critique minimum d’une commune pour s’en sortir financièrement. Une fusion permettant de faire baisser les couts de fonctionnement et de personnel. Le consultant PWC a également relevé certains avantages suite aux expériences observées au nord du pays : économies d’échelle, pouvoir accru, meilleure performance en matière de planification et de développement économique, participation citoyenne valorisée, etc. À contrario, les craintes sont souvent les mêmes : perte de proximité, besoins différents entre petites et grandes communes, ambitions politiques inavouées de certains, perte d’identité, etc.
Les communes wallonnes sont quatre fois moins peuplées que les communes hollandaises, ce n’est pas tenable. En dessous de 15 000 habitants, la masse critique n’est pas suffisamment grande pour pouvoir avoir des leviers d’actions suffisants.
Jean Hindriks, membre fondateur de l’Itinera Institute
D’abord la supracommunalité
Bien conscient du nombre trop important de communes en Wallonie, le Gouvernement wallon les encourage en tout cas actuellement à fusionner. Des incitants financiers ont été mis en place (500 euros par habitant) suite à un décret spécifique. Précisons que ce montant sera affecté exclusivement au remboursement des charges d’emprunts contractés par les communes fusionnées. Si le procédé n’a pas encore vraiment séduit, une vague plus importante de fusions est attendue pour les élections communales de 2030. Reste que, pour l’heure, en Brabant wallon, la tendance est davantage à développer la supracommunalité qu’à multiplier les fusions. Il s’agirait en quelque sorte d’une première étape avant de franchir éventuellement le pas du grand rassemblement. Une première étape qui est déjà en place dans le cadre des zones de police (trois ou quatre communes gèrent ce service ensemble), des GAL (Groupes d’Action Locale) comme Culturalité – sept communes de l’est du Brabant wallon – ou celui du Pays des 4 Bras (Genappe, Villers-la-Ville et Les Bons Villers en Hainaut), ou encore via la Province du Brabant wallon, dont la supracommunalité est devenue l’un des leitmotivs. L’idée principal est donc bien de travailler ensemble de manière à réduire les couts. Cela peut aller de la création d’une communauté de communes au partage d’infrastructures sportives ou culturelles. « Je pense vraiment que nous allons y réfléchir de plus en plus, précise Jean-Luc Meurice. Les communes deviennent extrêmement sollicitées, il faut donc trouver des solutions. Il n’est plus possible d’avoir une expertise dans tous les services et d’offrir tous les équipements à ses habitants. Que ce soit un centre sportif, une piscine, un centre culturel ou d’autres choses encore. Nous discutons par exemple déjà avec d’autres communes, comme Orp-Jauche, pour mutualiser certains services. Il y a des avancées. Je rappelle que nous avons engagé un coordinateur pour lutter contre les inondations qui travaillera pour les sept communes de l’est du Brabant wallon. En tout cas, si nous ne fusionnons pas, cela va devenir compliqué de maintenir la même qualité de services aux citoyens. Il faut donc y réfléchir d’ici 2030, de manière à le faire sur base volontaire, et surtout éviter qu’on nous l’impose. »
Les communes deviennent extrêmement sollicitées, il faut trouver des solutions. Il n’est plus possible d’avoir une expertise dans tous les services et d’offrir tous les équipements à ses habitants.
Jean-Luc Meurice, bourgmestre de Jodoigne
Inondations, mobilité, environnement : vers des supers agents
Partager un conseiller en aménagement du territoire entre plusieurs communes est plutôt rare en Brabant wallon. David Aerts s’y est bien essayé quelques années, divisant son temps entre Incourt et Jodoigne. Ce qui n’était pas une mince affaire. « En urbanisme ou en aménagement du territoire, il faudrait plutôt renforcer les effectifs que se partager les compétences entre communes, explique Cédric Harmant, fonctionnaire délégué du Brabant wallon. Par contre, dans les petites communes, il pourrait être opportun que deux conseillers en aménagement du territoire travaillent ensemble, par exemple dans un bureau commun. De un, cela peut permettre de s’échanger des connaissances et donc s’améliorer. De deux, quand un conseiller est en congé, toutes les procédures sont à l’arrêt car il n’y a personne pour assurer le relais. Ce qui pose problème dans un contexte où les délais de rigueur prennent une grande place. Cela pourrait donc être intéressant pour tout le monde de travailler de cette manière. »
Pour se partager les compétences d’un collaborateur ou d’une collaboratrice entre plusieurs communes, il faudrait donc plutôt se tourner dans d’autres domaines d’actions, comme l’environnement, la mobilité ou les inondations. Des domaines qui demandent une grande expertise mais dont les communes n’ont pas nécessairement besoin au quotidien. « Je pense que cela pourrait vraiment avoir du sens, poursuit Cédric Harmant. Les demandes sont de plus en plus techniques et se renforcer en recrutant du personnel est une très bonne chose. » En matière d’inondations, se partager les compétences d’un expert qui agirait au niveau supra communal semble en tout cas être une piste particulièrement demandée par les acteurs de terrain et les communes.
Interview
« Des contacts existent entre communes »
Tanguy Stuckens, président du Collège provincial du Brabant wallon
Pensez-vous que le scénario de fusions multiples entre communes du Brabant wallon est possible ?
Ce ne sera en tout cas pas simple. Tout le monde est bien conscient des difficultés et de l’augmentation des charges qui pèsent sur les épaules des communes. Alors que, dans le même temps, on leur demande de plus en plus de missions. L’équation semble donc bien compliquée à résoudre. Une fusion est un long processus, d’autant qu’il faut également prendre en compte les aspirations des habitants. J’entends que des contacts existent entre responsables communaux mais ce n’est pas à moi d’en parler.
Comment solutionner cette équation qui mêle charges qui augmentent et maintien de services de qualité ?
La mutualisation des services et des compétences semble être un premier pas. Plusieurs communes du Brabant wallon travaillent déjà en ce sens. Que ce soit lors de la création d’un centre culturel, d’un pôle sportif, d’une piscine ou autre. Il est évident que chaque entité ne peut plus avoir une multitude d’équipements. Il faut faire des choix.
L’expertise à avoir dans certains domaines tels que l’urbanisme, les inondations ou l’environnement va obliger le partage de compétences…
Je pense bien. D’autant que pour se partager du personnel, il n’y a pas besoin d’avoir une structure particulière. Cela peut en tout cas être opportun dans le cadre de la lutte contre les inondations, les enjeux de mobilité et d’environnement ou en matière d’urbanisme. Les communes peuvent également collaborer dans l’achat de matériel. Bref, les pistes sont nombreuses, existent et vont se renforcer à l’avenir.
Quel rôle la Province peut-elle jouer dans un tel scénario ?
Un rôle majeur ! La supracommunalité est son premier métier. Nous allons devoir aller encore plus loin dans l’accompagnement. J’estime que la supracommunalité peut soit fonctionner avec trois ou quatre communes, soit à l’échelle de toute une province. Mais pas entre les deux.
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